8,5 %. C’est ce que représentait le marché russe dans le résultat opérationnel d’Inditex en 2022, avant que le géant espagnol ne décide de suspendre ses activités dans le pays. Depuis ce coup de tonnerre, l’exode des entreprises occidentales s’accélère : plus d’un millier ont quitté ou gelé leurs opérations en Russie, laissant le champ libre à des concurrents locaux ou venus d’Asie.
En parallèle, l’intelligence artificielle s’invite dans les rouages de l’industrie mondiale, poussant les modèles traditionnels dans leurs retranchements. L’Europe, de plus en plus marginalisée dans la production textile, voit les investissements technologiques se concentrer ailleurs, principalement entre l’Amérique du Nord et l’Asie.
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Désindustrialisation mondiale : quelles causes et quelles conséquences selon les régions ?
Le phénomène de désindustrialisation frappe à des degrés divers selon les territoires. En France, la succession de fermetures dans les magasins Zara à Valence, Angoulême ou Saint-Nazaire met en lumière la vulnérabilité des villes moyennes dans un contexte de redéploiement mondial des réseaux commerciaux. Au sein du centre commercial Ruban Bleu de Saint-Nazaire, ce ne sont pas seulement les rayons de Zara qui vont disparaître, mais aussi ceux de Bershka, Stradivarius et Pull and Bear. Le maire, David Samzun, et Jean-Michel Sarget, à la tête du centre, s’inquiètent des répercussions sur l’emploi local et la vitalité du tissu économique. À Nîmes, la fermeture reste temporaire, le temps de travaux, mais l’incertitude demeure palpable.
En Belgique et en Algérie, la même logique de réorganisation s’applique. Inditex ferme ou réaménage ses points de vente, cherchant à rationaliser sa présence. À Alger, les fermetures de Garden City ou Bab Ezzouar s’expliquent avant tout par des obstacles administratifs ou opérationnels, pas par un abandon pur et simple du marché. Les lieux de production et de construction se déplacent, les métiers évoluent, parfois disparaissent.
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Voici comment la tendance se manifeste selon les régions :
- En Europe, la désindustrialisation s’accélère dans les filières historiques, tandis que les grandes villes captent l’essentiel des investissements et que les régions périphériques se vident de leur substance.
- Dans les pays émergents, c’est l’inverse : nouveaux marchés, montée en gamme, ancrage de la production.
Les entreprises s’adaptent, parfois à marche forcée. Inditex mise sur des magasins phares dans les grandes villes et met en place des dispositifs de réaffectation ou de formation pour amortir le choc social. Ce repositionnement redessine l’économie des centres commerciaux et bouleverse la vie des cités de taille moyenne.
Départ des entreprises occidentales de Russie : un tournant pour le secteur de la mode et au-delà
La Russie occupait une place de choix pour les grandes marques occidentales. Zara y a construit un réseau dense, avant que la situation géopolitique ne vienne tout remettre en question. Dès le début des années 2020, la pression s’intensifie : les groupes suspendent ou cèdent leurs activités.
Inditex, qui chapeaute Zara, Bershka, Stradivarius, Pull and Bear et Massimo Dutti, n’a pas échappé à la vague : la marque, qui compte près de 7 000 magasins dans le monde, a tiré un trait sur la Russie. Ce marché, longtemps moteur de croissance, pesait lourd dans la balance financière. Les enseignes occidentales figuraient parmi les principaux contributeurs fiscaux, injectant chaque année des milliards dans le budget russe.
Ce départ ne passe pas inaperçu. Il modifie l’équilibre de la distribution textile et redistribue les cartes en faveur des opérateurs locaux. Les points de vente, rachetés et rebaptisés, continuent d’attirer la clientèle. Les consommateurs russes, coupés de l’offre internationale, se tournent vers de nouveaux circuits, souvent plus aléatoires, parfois moins formatés.
Pour Inditex, il s’agit désormais de tester la solidité de son modèle : réinventer la logistique, redéployer les ressources, recentrer sur l’Europe et l’Asie. Cette situation inspire l’ensemble du secteur de la mode, qui doit désormais s’interroger sur sa dépendance à certains marchés. Le parcours de Zara en Russie illustre cette nouvelle donne : marchés imprévisibles, fragilité des implantations, arbitrages à effectuer en temps réel.
Intelligence artificielle et technologies émergentes : les tendances qui redessinent le paysage industriel
La transformation digitale s’accélère dans le textile, et Zara en fait sa colonne vertébrale. Grâce à l’intelligence artificielle, la marque analyse les ventes, gère les stocks et devine les tendances avant même qu’elles ne s’installent. Ce recours massif aux nouvelles technologies remet en question le modèle classique : moins de boutiques physiques dans les villes moyennes, essor du commerce en ligne, émergence de points de vente d’exception dans les grandes capitales.
Inditex investit dans la modernisation de ses magasins. Sur les Champs-Élysées, à Paris, ou dans le centre Steel à Saint-Étienne, des concept stores voient le jour : capteurs, cabines connectées, parcours client digitalisé. L’expérience d’achat devient sur mesure, fluide, chiffrée. Cette stratégie vise à capter une clientèle urbaine, mobile, et exigeante sur la rapidité et la transparence des collections.
Dans un contexte où la concurrence se fait plus féroce, Shein, ASOS, Zalando, H&M,, l’optimisation du réseau devient une nécessité vitale. Inditex ajuste son empreinte, réduit son impact environnemental, adapte sa logistique à la poussée de la vente en ligne, restructure ses points de vente. Les anciennes habitudes disparaissent, balayées par la réalité du marché et la pression écologique.
Quelques exemples concrets de cette transformation :
- Déploiement de concept stores et digitalisation à Paris ou Saint-Étienne
- Fermeture ou réorganisation des boutiques dans les villes moyennes
- Investissements massifs dans le numérique et l’automatisation
La digitalisation rebat les cartes du secteur. La production, la distribution, la gestion des flux : tout s’oriente désormais autour de la donnée. Accélérée par la concurrence et la pression sociale autour de la durabilité, cette mutation impose son rythme et façonne déjà les décisions qui seront prises en 2025.
La question reste ouverte : qui parviendra à garder l’équilibre sur ce fil tendu entre innovation, adaptation et ancrage local ? L’avenir du secteur se joue, non plus dans les vitrines, mais dans la capacité à lire et à réinventer le monde en temps réel.