Honiahaka*

Épisode 3

Une nouvelle de Valéry Meynadier

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Le petit enfant est devenu grand, un homme, il paraît, les cousins également mais eux des vrais, virils et sans larmes.
Moi devenu grand, je pleurais souvent.

L’un d’eux, celui qui avait frotti-frotta sur mon dos avait eu une moto pour son anniversaire, une splendide Suzuki 750.
Par un jour de lune noire il a pris sa moto sans voir que la louve courrait à ses côtés sur la pointe velours de ses pattes, la fenêtre de ma chambre donnait sur la rue, sur la route je les voyais, quand l’axe de la roue arrière légèrement dévissé, un carrefour, des voitures, et le ciel grand ouvert… un banc de brouillard a surgi…

Il y a laissé sa jambe dans le brouillard, le cousin.
À sa place, des douleurs fantômes.

Longuement à la barre j’ai parlé des membres fantômes à Monsieur le Juge, de mon père, de mon cousin, il n’avait pas l’air de comprendre. Je n’ai pas les mots, c’est ça ? Il comprenait très bien. Il était juste un peu complice, amoureux de l’innocence lui aussi, je le sentais. Il se serait bien entendu avec mon père, le cousin et tous les autres. À aucun moment il n’a osé me regarder dans les yeux.

Expédié Davis Kawk à San Quentin dans la ligne de mire des fusils posés sur les miradors et bang bang comme dans mon rêve. Et pas que dans mon rêve. Depuis combien de temps je suis là à me traîner dans le couloir le plus encombré des Etats-Unis ? Devenu Matricule C 28 966 revêtu d’une pelure en grosse toile bleue.
La peine capitale a été requise pour moi. Pas pour la louve.

Il ferait mieux de faire attention Monsieur le Juge.

[À suivre dans l’épisode 4]

* Honiahaka signifie « petit loup » en amérindien Cheyenne

Texte : Valéry Meynadier

Illustration : collage C. Chartier

Éditeur : Bancal Livre

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