(b)RÊVE // Mes rêves flottants dans du formol

Chaque jour de la semaine, nous publions les chroniques de l'autrice Valéry Meynadier, des textes courts sur tout et rien, sur la littérature, l'art et les merveilles (ou les douleurs) du quotidien. Nous les appelons les brèves de jour, des (B)rêves, des rêves insufflés par le B de Bancal !
Peinture de David Hockney

Je repousse les draps, à pas feutrés, me dirige vers ma cuisine & là, je passe en revue tous mes rêves flottants dans du formol sur l’étagère, orientée sud-ouest, comme ça, ils profitent des derniers rayons du soleil.

 

Dans un des bocaux, je m’y vois en train de lire une lettre. Dans le bocal d’à côté, Romain pleure à pierre fendre. Je vois David à genoux devant une piscine vide. Ce bocal en verre fumé avec un couvercle d’acacia, jamais vu encore. Dedans, l’éternité qui a perdu la face, pendue, suspendue au-dessus de l’Enfer. À côté, dans un bocal plus petit, des portes claquent, toutes les portes des placards, des chambres, des salles de bain, toutes les portes d’une île inconnue. À côté, dans un bocal encore plus petit, un chat dedans & des arbres dehors & le soleil dehors, pas tout à fait dehors, glisse sur le chat endormi, sur ma tasse qui sèche, sur moi qui n’y suis pas dans ce bocal.

 

Dans l’ombre, un stylo se met en marche, se fait de la place & du temps, il gratte une feuille. Je me dis qu’il restera toujours un stylo, pour touiller le sucre dans la tasse de café, pour tenir les cheveux en chignon, se glisser dans la poche du monde.

 

& si j’écrivais, hein ?

 

Valéry Meynadier, 22 mars 2023


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