Théâtre // A ces idiots qui osent rêver

Céline Devalan est actrice, autrice et metteuse en scène. Elle travaille à mettre en lumière les auteurs et la force du langage au travers de formes théâtrales singulières et originales où le texte tient une place centrale. Nous avons eu la chance d'assister à l'une de ses pièces "A ces idiots qui osent rêver" au théâtre Essaïon. Drôle, rythmé, ce spectacle nous a séduits par son propos intelligent sur l'amour et les jolies trouvailles empruntées au cinéma. Céline a accepté de répondre à quelques questions sur son métier et ses projets artistiques.

Copyright Céline Devalan 2019

 

Quelques mots pour te présenter et décrire ton travail de comédienne et de metteuse en scène…

J’ai commencé mon parcours en tant que comédienne, surtout en travaillant du classique (Shakespeare, Molière, Goldoni, Tchekhov) puis très vite l’envie de monter mes propres spectacles s’est imposée comme une nécessité. La mise en scène a presque pris le pas sur le jeu. Ce qui m’intéressait plus que tout, c’était de raconter une histoire, non pas avec mes propres mots, mais en créant mon propre univers. Mettre en scène c’est donner son point de vue sur une histoire, la recontextualiser, mettre en avant sa résonance aujourd’hui, y apporter son imaginaire, ses convictions, mettre en exergue ce que l’on a envie de défendre et ce qui nous parle en tant qu’être humain. C’est pourquoi je me suis plongée dans l’adaptation de textes dont les auteurs me fascinaient : Maupassant, Jane Austen, Shakespeare. J’ai adapté et mis en scène des spectacles pour, d’une part leur rendre hommage et d’autre part, montrer le pouvoir de leurs mots et leur intemporalité.

 

Quel est ton parcours ?
J’ai été formée au Cours Florent (où je suis restée aussi enseigner pendant 6 ans) et au Théâtre national de Chaillot. Très tôt – en 2000 – j’ai créé la compagnie La Petite Vadrouille et j’ai commencé la création et la diffusion des spectacles de la compagnie. Nous avons tourné à Paris, au Festival d’Avignon, sur tout le territoire français, en Suisse, en Italie et même à Londres avec un spectacle réunissant un casting anglais en 2017. Ayant eu la merveilleuse opportunité de travailler au théâtre du Globe à Londres en 2015 et en tant que passionnée de Shakespeare, j’ai voulu prolonger cette opportunité de travailler en langue anglaise. Je fais d’ailleurs partie de la compagnie International Actors Ensemble qui réunit une vingtaine d’acteurs du monde entier, tous « addict » du Barde, et nous avons fait une tournée de la pièce The Comedy Of Errors au Mexique en 2016. Un projet est d’ailleurs en pourparlers pour l’Australie en 2021.

 

Les rapports amoureux sont au cœur de tes deux dernières pièces A ces idiots qui osent rêver et Quand l’amour des notes. L’amour, les rapports humains, pourquoi ces thèmes méritent-ils encore d’être explorés ?
Parce que je crois, étant de nature optimiste, que c’est l’amour qui dicte nos comportements et nous donne envie de devenir meilleur. L’amour a toujours été et sera toujours un terreau fertile pour ceux qui aiment raconter des histoires. L’amour et ses désillusions, ses surprises, les différentes formes qu’il peut prendre, ses malentendus, les conflits intérieurs qu’il nous fait vivre et les renoncements aussi. L’amour, heureux comme malheureux, nous fait grandir et nous apprend surtout à nous connaître nous-même chaque jour davantage. Il définit nos envies, nos actions, notre mode de vie au quotidien et surtout, nous donne l’envie de créer.

 

A ces idiots qui osent rêver, copyright Céline Devalan 2019

 

La musique et le texte occupent une place importante dans ton travail de mise en scène. L’esthétique cinématographique est également très présente. Qu’apporte à ton théâtre ce mélange d’expressions artistiques ?

Très, très, souvent, je pars d’une musique pour raconter une histoire. L’émotion que cette musique fait naître en moi crée des images intérieures, des personnages en découlent ainsi que des situations. La musique accompagne l’émotion et renforce l’histoire. Elle crée aussi des moments privilégiés car elle permet de donner au spectacle un autre rythme que celui de la parole. Elle rompt la monotonie qui, parfois, peut vite s’installer au théâtre.
Quant à l’esthétique cinématographique, notamment sur mes derniers projets, elle s’est imposée car le jeu des acteurs étant plus proche d’un jeu de cinéma et intimiste, il me paraissait cohérent que la mise en scène épouse cette même sobriété. Il est vrai que je pense avant tout en termes d’images et je travaille toujours sur une esthétique très épurée, assez cinématographique, basée sur un jeu de lumières, du visuel, de la musique car ces éléments renforcent l’imaginaire du spectateur.
Le texte est bien entendu la colonne vertébrale sur laquelle reposent tous ces éléments. Il faut qu’il y ait de l’enjeu, un conflit intérieur permanent et surtout, une bonne pièce repose sur des personnages complexes, qui ont des paradoxes, comme tout être humain peut l’être. Pourquoi Shakespeare est-il encore l’auteur le plus monté de nos jours ? Parce que ses personnages sont extrêmement complexes et paradoxaux, ce qui fait qu’on les aime. Prenons Macbeth, par exemple, son paradoxe est qu’il est impitoyablement ambitieux, mais il est aussi rongé par sa conscience. C’est donc la culpabilité qu’il ressent qui vient contredire ses actions mêmes, rendant son personnage fascinant depuis plus de 4 siècles.

 

Quelles sont les œuvres ou les artistes qui t’ont le plus marquée ou influencée ?
Evidemment, à la première place, je mettrais la quasi-totalité des œuvres de Shakespeare ! Puis Jane Austen a eu une énorme influence sur mon parcours d’artiste et de femme. Les écrits de Virginia Woolf ont fortement, eux aussi, orienté ma vie personnelle comme professionnelle.
Pour aussi citer des auteurs de théâtre contemporains, j’aime l’écriture incisive de Dennis Kelly et de Martin McDonagh ou bien encore le théâtre d’Arthur Miller qui ne cesse de nous questionner sur notre sens de la responsabilité. Concernant la mise en scène, je suis une grande admiratrice de l’univers de Joël Pommerat, assez cinématographique d’ailleurs et très épuré ; et de James Thierrée, artiste de génie à mon sens, dont je n’ai jamais loupé un seul spectacle. Pour le 7e art, les films de réalisateurs comme Ken Loach, Damien Chazelle me touchent énormément : et évidemment Woody Allen pour ses dialogues percutants.

 

Quels sont tes projets, tes envies pour la suite ?
Le projet qui m’occupe en ce moment et approche à grands pas c’est le Festival d’Avignon où nous proposerons A ces idiots qui osent rêver, une comédie romantique à l’américaine. C’est la première fois que je me suis lancée dans l’écriture (en plus du jeu et de la mise en scène).
C’est un spectacle qui se regarde comme un film, qui rend amoureux et avec, en prime, une séquence de claquettes qui rend hommage aux maîtres américains du genre ! Je partage la scène avec Thibault Amorfini, acteur avec qui je suis complice depuis presque 20 ans et nous jouons avec plaisir cette comédie dont les personnages ne nous sont, finalement, pas très éloignés.

 

Propos recueillis par Céline

 

Pour en savoir plushttp://www.celinedevalan.fr/

 

 


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Revue Bancal - Auteur

Commentaires


  1. J’ai hâte de revoir ce spectacle « à ces idiots qui osent rêver » au festival d’Avignon car j’en garde un souvenir ému. Drôle, émouvant, parfois triste mais tellement juste et vrai, ce spectacle est merveilleusement mis en scène par Céline Devalan et les 2 acteurs (Céline et Thibault), tellement complices aussi dans la vie, nous font vivre chacune de leurs émotions. La musique est juste extraordinaire et apporte beaucoup à l’histoire de ces 2 personnages si différents et pourtant si semblables.
    je ne peux que conseiller ce spectacle qui nous permet de nous évader de notre vie quotidienne. On passe vraiment un très bon moment

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