Texte inédit // L’eau dans mon œil, de Valéry Meynadier

La couleur bleu intense, la forme géométrique d'une piscine, les sons spécifiques, l’indiscernabilité des profondeurs, la réflexion de la lumière à la surface de l’eau, autant d'éléments propres à la natation qui inspirent fortement les artistes et écrivains. L'écrivaine Valéry Meynadier nous livre un poème sur la nage, une ode au pouvoir cathartique de l'eau. Plongeons avec elle ; "on ne ressort pas de l’eau quand on a rencontré l’eau."
Couverture : "Swimming girl" de Vishalandra Dakur

Valéry Meynadier est écrivaine et poétesse, elle anime des ateliers d’écriture et pratique l’art-thérapie, en particulier dans les prisons. Elle fait régulièrement des lectures de ses textes dans divers lieux culturels accompagnés de comédiens et de musiciens.

 

Et l’eau dans mon œil
L’eau qui dérive de moi à moi, sur ce fauteuil, dans mon rêve, dans la nuit, mon sommeil
L’eau, elle est tellement là, submergée d’elle-même
Je croise les jambes, les décroise, je tisse l’eau, détisse mes pensées, l’eau marche
Partout, dans l’arrosoir, habillée de l’arrosoir, dans la piscine, contenue par des bords en carrelages bleus, dans la chasse d’eau, pour nos pisses et nos merdes, Amen
Oui comme un Oui qui fond le long des astres Oui le long de ma colonne vertébrale boudeuse
L’eau éteint la mort, je le vois sur le fauteuil, j’aime ce fauteuil, l’eau boit à ma mémoire, je bois dans la main des eaux vives
Les souvenirs nagent dans l’eau de la vitre
Les fenêtres sont des vases d’idées, d’idées fouettées le long des carreaux quand nos colonnes vertébrales tressaillent et qu’on ne sent rien, alors que la mort pousse sous la poussée de l’eau avalée dans nos verres, par nos bouches assoiffées d’eau.
On ne ressort pas de l’eau quand on a rencontré l’eau.
Comment le savoir et même y croire ?
Alors, la folie à pas d’eau/ flic floc/ flic floc/ se rapproche/ floc/ si on y croit/ flic
L’eau se nage, elle ne se dit pas.
Dans la flaque je suis tombée si bas, j’ai rencontré l’eau, elle m’a dit : nage
Dans la bouteille j’ai lu son message
Je suis le chien qui rêve toutes les nuits qu’on lui envoie une vague à la place d’un bâton et il ramène fièrement la vague aux pieds de son maître.
Ô ma toute petite eau, tu tiens dans une voyelle, dans mon fauteuil, je n’en crois pas cette vérité ou ce mensonge : je te nage ennagée en nage
Nage Nage mouvement du monde tu recommences la beauté responsable lavée de tout soupçon
Douce et sauvage comme l’eau entre tes jambes, mon amour
mon âme en déluge d’entrevoir l’eau blanche de tout au fond si blanche que mes yeux d’aveugle voient soudain l’eau calme enlever une par une les épines de mes paupières
Miroir déformant, j’ai vu le temps captif en toi et te remercie
Je nage à l’envers
Ma naissance n’est plus très loin.

 

Valéry Meynadier, Maison des écrivains et Facebook

 

 

Publications :

Ma mère toute bue, éditions du Chèvre Feuille-étoilée (2007)
Présent Défendu, éditions La villa des cent regards (2008)

Centaure, éditions du Chèvre Feuille-étoilée (2010)
Divin Danger, éditions Al Manar, dessins d’Albert Woda (2017)


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Revue Bancal - Auteur

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