Scène // Titanic, hélas

Inspiré par des bulletins de prospective politique qu’il reçoit depuis plusieurs années, Yves-Noël Genod conçoit une performance théâtrale qui interroge le sens de la création artistique, l’énergie qu’elle réclame, à l’heure de l’effondrement. Que faire alors ? Déprogrammer le spectacle et se préparer à la catastrophe, ou jouer de la musique jusqu’au bout comme l’aurait fait l’orchestre du Titanic, pendant toute la durée du naufrage ?

« Ce sont mes adieux ! J’espère vous faire pleurer. Je suis en pleine forme — Thank God ! —, mais, depuis quelque temps, plus assez de commandes et surtout pas assez de public pour continuer. Or j’étais conçu pour enchanter les foules trois cent soixante-cinq jours par an. Ce spectacle sera donc le dernier. The last one. Encore une fois, un spectacle-manifeste. Au fond, ça a toujours été mon dernier spectacle ; je n’ai jamais cessé de travailler à disparaître. « Il n’y a plus de spectacle » est une phrase qu’on a beaucoup entendue sur mes plateaux. Cette fois, c’est enfin vrai. » Yves-Noël Genod

 

Titanic, hélas, Yves-Noël Genod

 

Aucun spoiler n’existe pour la fin du monde, pour la fin de la vie, pour les adieux à la scène, pour le Titanic. C’est notoire : nous allons couler. Sous la terre, au fond de la mer, dans l’oubli.

 

L’angoisse apparaît lorsque nous anticipons une telle expérience : être seul pour la dernière fois, même en compagnie. Être entouré peut empirer la situation, ça peut donner l’impression que la fin est vraiment proche. Et l’angoisse augmente potentiellement quand on voit autour de nous ceux qui ont encore droit à la vie. Merde.

 

Je dis ça parce que j’ai assisté au dernier moment d’un artiste à bord d’une péniche. Je faisais partie de la flotte du Titanic d’Yves-Noël Genod. Si vous avez pensé au cinéma, oui, il y a quelque chose de Tarantino dans sa pièce, quelque chose de son film Il était une fois à Hollywood. Et, si vous n’avez pas encore vu ce film, vous ne connaissez pas la nouvelle fin de Sharon Marie Tate Polanski. Quoi qu’il en soit, il pourrait être intéressant de se rendre à la péniche La Pop les 25, 26 et 27 novembre pour vivre une nouvelle fin de Titanic, pour mourir et rire.

 

On dit que les scènes qui passent dans la tête d’un être humain avant sa mort peuvent durer quelques secondes. Chez Yves-Noël, elles durent 1 h 40. (Je les ai toutes vues et entendues dans mon dernier souffle, sans m’apercevoir que la vie ne tenait qu’à un fil. Aux côtés d’Yves-Noël, je n’ai pas vu la mort venir. Même les fantômes qui le fréquentaient pendant son monologue semblaient être vivants, répondant aux instructions les plus sobres de son interlocuteur.)

 

Bref, désolé d’annoncer la mort sans canots de sauvetage, mais comme l’a dit Gil Scott-Heron : «La diplomatie peut détruire la poésie».

 

Wagner Schwartz, chorégraphe et écrivain

 

Titanic, hélas, performance théâtrale d’Yves-Noël Genod, péniche La Pop, les 25, 26, 27 novembre


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Revue Bancal - Auteur

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