Saxifrages // Atelier d’écriture #7 à Fresnes

Les ateliers d'écriture financés par la vente de notre livre « Saxifrages - Fictions carcérales » ont commencé le 2 mars dans la prison de Fresnes. Réunissant un petit groupe d'hommes, ils sont animés par l’écrivaine Valéry Meynadier et portent sur la correspondance, le lien épistolaire avec l’extérieur. Les écrits s’appuieront aussi sur notre recueil de nouvelles. Chaque semaine, nous publierons un compte-rendu des séances avec quelques extraits des textes des participants.
Photo serge Gainsbourg

Atelier #7

Les poèmes sutures

11 mai 2022

 

Aujourd’hui, un invité surprise, J., bienvenue à J. !

Sont présents, R., Z., S. & N. qui m’appelle Valoche, ce qui n’est pas de mon goût. Je lui rappelle, le regard sévère, que je m’appelle valérY.
Un surnom laisserait entendre une part d’intimité que je n’ai pas envie d’avoir en ce lieu. Ce n’est pas contre eux ; c’est juste que nous sommes en prison. & je suis une femme. Si je pressens parfois des regards insistants, je laisse passer & tout va bien. Mais j’ai aussi des limites drastiques & le surnom, c’est non.

 

On va travailler sur les bandes-son, via une consigne vieille comme Mathusalem, & qui s’appelle : les poèmes sutures.

Vous allez vous improviser poètes ? Avec un support, pas d’inquiétude !

Le procédé est simple.
Votre support, c’est l’extrait d’une chanson, extrait qui prélude à chaque nouvelle du livre Saxifrages, qu’il va s’agir d’effacer comme neige au soleil.
C’est simple ?
Déjà, je vous propose les 16 extraits, vous en choisissez un qui vous touche & puis, mine de rien, vous l’effacez intégralement suivant le procédé que je vais vous donner.

 

Vous allez rayer une ligne sur deux, pour réécrire ensuite cette ligne, selon votre désir, de façon à retomber sur la ligne d’en dessous, & que ça colle, que le sens continue à exister.
Que l’extrait dise toujours quelque chose, mais avec votre voix à vous cette fois.
Il y a donc un mélange de deux voix, celle de l’auteur ou l’autrice & la vôtre.

 

Mais comme il s’agit de complètement effacer la voix du chanteur ou de la chanteuse pour y mettre la vôtre entièrement, de A à Z, vous allez récidiver !
Vous allez utiliser le même procédé…

 

De nouveau, vous rayez les phrases restantes, de Serge Gainsbourg, de Sammy Decoster, de Barbara, etc., pour retomber sur vos propres lignes à vous & toujours avec du sens, que ça fasse sens.

C’est l’exercice du chat qui tombe du quatrième étage & qui retombe sur ses pattes, c’est un peu ça. Au final, ne reste que l’effaceur !

 

On essaye ?
Sur le terrain de la feuille blanche, c’est toujours plus facile.

 

Le top du top, ce serait d’entendre la musique de ces chansons avec vos paroles à vous. Même si les paroles ont été remplacées, il reste la musique, & que diriez-vous de chantonner votre texte sur la musique restante ?
Sacrée expérience, non ?

N’est ce pas redonner vie à une vieille rengaine, que tout le monde connaît ?

 

***

D’après la chanson de Serge Gainsbourg Les p’tits papiers
Laissez parler
Les p’tits papiers
A l’occasion
Papier chiffon
Puissent-ils un soir
Papier buvard
Vous consoler
(Saxifrages, page 117)

 

Poème de S.

Pour l’honneur
Les gens
Organisent la fête des mères
Pour les consoler de la solitude
Quand les enfants grandissent

S.

 

D’après la chanson de Sammy Decoster L’homme sans voix
Assis là
Je suis l’homme sans voix
Je vais vivre au milieu des bêtes
Dans les bois
Où le jour s’en va
Je sais que la nuit m’est fidèle
(Saxifrages, page 69)

 

Poème de Z.

Face à cette merveille qu’est la nature
Je me sens insignifiant devant une telle grandeur
J’aimerais te montrer ce qu’est la vie
La vie loin de nos quartiers délabrés
La vie au milieu des grands arbres
Loin du tumulte de la ville

Vois
La nuit éclairée
Par cette constellation
Vois
D’étoiles et cette lune resplendissante
La nuit loin de l’agression visuelle de toutes ces lumières

Vois

Z.

 

Poème de N.

Nommé cet été pour être berger
À la ferme de papi
Avec un feu en continu
Entre montagne et mer où le seul réconfort est le beau coucher du soleil
Et après dans la nuit, je me retrouve confronté au vieux loup du coin
Qui m’effraie depuis mon plus jeune âge
Mais heureusement il y a le feu en continu
Il me permet de dormir un peu
En paix
Car je sais que le loup ne s’approchera pas

N.

 

D’après la chanson de Clara Luciani La grenade
Hé toi
Mais qu’est ce que tu crois ?
Je ne suis qu’un animal
Déguisé en madone
Hé toi
Je pourrais te faire mal
Je pourrais te blesser, oui
Dans la nuit qui frissonne
(Saxifrages, page 107)

 

Poème de E.

Sale raciste
Mais qu’est ce que tu crois ?
Caché derrière tes faux principes, tes faux idéaux
Déguisé en bouffon du Roi
En attendant l’aide de la République
Je pourrais t’étriquer
Le matin, en allant chercher ta chocolatine
Dans ton sommeil, englouti sous tes draps de soie

E.

 

valérY meYnadier est écrivaine, elle anime des ateliers d’écriture et pratique l’art-thérapie en prisons. Elle fait régulièrement des lectures de ses textes dans divers lieux culturels accompagnés de comédiens et de musiciens.

http://www.m-e-l.fr/,ec,1323

 

 

Pour lire les nouvelles, commandez notre livre Saxifrages – Fictions carcérales à cette adresse : contact@revue-bancal.fr

 

 

 

 

 

 

 

 


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