Saxifrages // Atelier d’écriture #4 à Fresnes

Les ateliers d'écriture financés par la vente de notre livre « Saxifrages - Fictions carcérales » ont commencé le 2 mars dans la prison de Fresnes. Réunissant un petit groupe d'hommes, ils sont animés par l’écrivaine Valéry Meynadier et portent sur la correspondance, le lien épistolaire avec l’extérieur. Les écrits s’appuieront aussi sur notre recueil de nouvelles. Chaque semaine, nous publierons un compte-rendu des séances avec quelques extraits des textes des participants.
Photo ©Grégoire Korganow

Atelier#4

Choisir une nouvelle et écrire la suite

6 avril 2022

 

Sur la coursive, j’aperçois le prof d’histoire-géo, le coup de dé est jeté, aujourd’hui, ils viennent avec moi !
Ils ne seront que trois.
B., Z. & R.
N. est au parloir.
S. est à l’hôpital.
K. est chez le psy.

 

Il se peut, s’ils arrivent à se faufiler, que N. & K. rejoignent l’atelier.
Bienvenus, s’ils y arrivent !

 

Aujourd’hui, j’aimerais bien reprendre la consigne de mercredi dernier, Z. sursaute, il était là, mercredi dernier.
Encore, Valérie !
Bah, on travaille autour du recueil Saxifrages, c’est comme un foyer, un feu, on se met autour, on se réchauffe les mains & on écrit !
Mercredi dernier, B. R. N. K. n’étaient pas là.
Il y a une variante, tu vas voir…

 

Je tiens vraiment à cette idée de suite. Écrire une suite, c’est comme de valser avec un auteur dans les yeux.
C’est donner la chance à l’auteur de plonger dans tes yeux à toi, lecteur.
Rare & précieux.

 

K. arrive, en retard, mais il est là & aussitôt se prend au jeu, il écrit.
Au tour de N., là, c’est une autre histoire : Bonjour, comment tu vas & patati patata, normal… C’est le temps des retrouvailles qui n’est pas du tout le temps de la concentration. Mais ce temps des retrouvailles, c’est aussi la grâce alors je laisse faire. Ici, en taule, priorité à l’humain. J’ai appris ça en prison : place à l’humain. Il n’y a qu’ici, d’ailleurs, que cela est possible, à ce point là…

Tout à l’heure, l’écriture aura davantage de place, j’espère.
L’écriture n’est pas là en prétexte, soyons clairs. Dans mon cœur, elle est première. Mais ici, en taule, elle est à égalité avec l’humain.
Parfois, un déséquilibre s’installe, un furieux déséquilibre, ou bien un serein déséquilibre.
Je reste sereine.
D’autant que N. revient du parloir ; où il a vu sa maman…
Respect.

B. va mal. Exaspéré… Il s’en va « Salam » il dit & il se tire !
L’écriture n’est pas pour lui, aujourd’hui.
Je ne veux pas le retenir.
Il reviendra à la fin de l’atelier, l’air de rien. Toujours autant en manque d’air ; il ne peut pas écrire…

Let ‘s go !

 

*****

Extraits

 

Suite de 20 ans de valérY meYnadier

Et là, son visage me revient.
Belle jeune femme qui avait la vie devant elle et la beauté à elle.
Elle qui ne souhaitait que vivre sa liberté, cette liberté qui est chère.
Cette liberté qui lui a permit de grandir, de s’épanouir, d’étudier.
Ces études qu’elle faisait avaient un rapport avec la vie et la liberté.
Infirmière, quel beau métier, métier qui permet de sauver et de redonner la liberté à chacun.
Et sa passion, cette passion pour les chevaux qu’elle admirait tant.
Elle qui prenait de son temps pour vagabonder avec son cheval.
Et cette sensation de liberté que le cheval et elle ressentaient au moment de leurs sorties.
Est-ce ça que l’on veut me faire comprendre avec ces 20 ans que l’on m’a donné ?
Qu’au delà de la mort que j’ai donné, c’est la liberté que j’ai enlevée ?
R.

 

Suite de Aiguillage de Jean Milpied

Je m’en vais en marchant sans savoir où je vais et cette drôle d’expression : « je vais où le vent m’emmène » prend tout son sens. Après sept ans, les repères de l’extérieur changent, les gens, la mode et les voitures ne sont plus les mêmes mais la seule personne qu’il me semble encore connaître et qui m’a appris à me découvrir, c’est Maria. En effet, elle m’a accompagné durant ces longues années, je lui apprenais toutes mes mauvaises nouvelles, car en prison, rares sont les bonnes nouvelles qui nous viennent.
Maria savait comment à travers de simples mots me faire rayonner ma journée et m’adoucir.
K.

 

Suite de Évasions volatiles d’Alice de Castellané

J’ai bien reçu ta lettre j’ai mis du temps à y répondre car j’étais prise par les soins prodiguées à mon mari. Je suis ravie de faire la connaissance de Suzy et j’aimerais la connaître davantage.
Je salue ton courage de m’avoir fait part de tes échanges avec Suzy la Poule car moi pour ma part, je n’ai pas eu ce courage de te dire que je parlais avec un Nounours.
Je me lance.
Z.

 

Suite de Incompressible de Joan Ott

Nous nous délecterons des merveilles de ce monde.
Et nous découvrirons tout ce dont je n’ai pu profiter du monde du dehors.
TOUT.
Ici, plus les jours passent, plus ma mémoire s’efface.
J’ai perdu goût à tout.
J’espère Maria bientôt te voir, que tu me fasses oublier tout ce temps irrattrapable.
Qu’on le rattrape ensemble, toi et moi.

N.

 

valérY meYnadier est écrivaine, elle anime des ateliers d’écriture et pratique l’art-thérapie en prisons. Elle fait régulièrement des lectures de ses textes dans divers lieux culturels accompagnés de comédiens et de musiciens.

http://www.m-e-l.fr/,ec,1323

 

 

 

 

Pour lire les nouvelles, commandez notre livre Saxifrages – Fictions carcérales à cette adresse : contact@revue-bancal.fr

 


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