Rebibbia

Goliarda Sapienza, décortique la proximité, la précarité et l’enfermement propres à la vie carcérale

L’Université de Rebibbia de Goliarda Sapienza

L'Université de Rebibbia

Dans son dernier ouvrage, publié en France par les éditions Attila, Goliarda Sapienza, décortique la proximité, la précarité et l’enfermement propres à la vie carcérale. Loin de dresser un pamphlet à l’encontre des prisons, Sapienza – qui propose ce texte à son éditeur italien en 1980, après avoir effectué un court séjour dans la plus grande prison de femmes d’Italie pour vol de bijou – nous explique comment cet univers clos, qui n’est au fond qu’une mise en abyme de la société du dehors, est devenu pour elle un laboratoire ; un laboratoire de l’humain qui lui a permis d’élaborer de nouvelles grilles de lecture du monde.

Car dans ce lieu où la frénésie du dehors n’est plus qu’un murmure, les règles qui régentent la vie à l’air libre continuent de s’appliquer de façon spontanée et naturelle. A Rebibbia, les différentes couches sociales, recréées à l’identique de ce qu‘elles étaient à l’extérieur, cohabitent presque harmonieusement à la façon de ces communautés solidaires qui se développent bien souvent dans les lieux clos (Ken Kesey avait déjà pointé cela avec son superbe Vol au-dessous d’un nid de coucou).

Contrairement à la vie du dehors, et malgré l’exiguïté, à Rebibbia chaque femme a le sentiment rassurant d’avoir sa place, son rôle à jouer : « Ici la journée est si pleine d’évènements qu’à la fin ça devient comme une drogue… On recommence à vivre dans une petite communauté où vos actions sont suivies, approuvées si on est dans le vrai, bref reconnues. Toutes comprennent qui on est – et on le sent- en un mot on n’est pas seule comme dehors » dit une détenue.

Et c’est peut-être bien ce qu’il y a de plus de touchant dans cette communauté de femmes : leur questionnement incessant sur la place qu’elles occupent à l’extérieur comme à l’intérieur de la grande société anonyme. La vie à Rebibbia met à nu la grande farce du jeu social, la dépouille de toute superficialité, pour ne laisser que l’essence. On peut continuer de mentir aux autres mais plus à soi-même. « Vous avez raison, à quoi sert le dogmatisme ici, […] Moi aussi je suis jalouse, je le sens et peut-être que je l’étais aussi dehors. Sauf que dehors il est interdit de l’admettre, sous peine de passer pour sous-développée et .. femme. » finit par avouer l’une d’elles.

D’une voix qui ne juge pas mais qui, se mêlant à celles des autres détenues, décrit la réalité de la vie dans la prison pour femmes de Rebibbia, l’auteure fait entendre, sous la lumière crue de l’enfermement, une vérité dure et tendre sur l’humain, celui du dedans comme celui du dehors.

M.B.

L’Université de Rebibbia de Goliarda Sapienza, Editions Attila, 2013.

Suggestions de lecture :

> Vol au-dessus d’un nid de coucou de Ken Kesey, Editions Stock, 1976

> L’Astragale d’Albertine Sarrazin, Editions Pauvert, 1965

> La Cavale d’Albertine Sarrazin, Editions Pauvert, 1965


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Charlotte PALMA - Auteur

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