Quelque part au milieu de la nuit

A l’occasion de la reprise au Théâtre du Pixel de la très belle pièce de Daniel Keene « Quelque part au milieu de la nuit » par le collectif Les Intrépides, nous avons rencontré Laura Perrotte, la metteuse en scène.

A l’occasion de la reprise au Théâtre du Pixel de la très belle pièce de Daniel Keene « Quelque part au milieu de la nuit » par le collectif Les Intrépides, nous avons rencontré Laura Perrotte, la metteuse en scène.

 

Crédit photographique: Jean-françois Faure

Crédit photographique: Jean-françois Faure

« Une fille. Sa mère. Un train à prendre et une mémoire qui déraille. » Interprétée par deux actrices au ton juste et puissant, la pièce, subtile et dense, esquisse, entre tension et tendresse, la relation d’une mère et sa fille où les non-dits comptent autant que les mots.

Quelle est la genèse de ce projet ?

Ce sont les deux comédiennes, Jeanne Mercier et Marie Petitjean qui m’ont proposé de monter la pièce. L’auteur donne très peu d’éléments sur les personnages et leurs situations. Il n’y a presque pas de didascalies non plus. C’est, à mon sens, une marque de confiance vis-à-vis des metteurs en scène, de leur laisser autant de liberté pour s’approprier le texte. On a laissé l’idée mûrir et on s’est lancées. Les premières représentations ont eu lieu en appartement, chez des amis et connaissances. En plus d’être très enrichissante, cette première étape nous a permis d’améliorer la pièce avant de la proposer à des théâtres. 

Puisque le cadre donné par l’auteur est très ouvert à l’interprétation, qu’est-ce que tu as eu envie de faire ressortir ?

L’écriture de Daniel Keene est fine et incisive à la fois. Il aborde de manière subtile les rapports humains et leur ambivalence. Ici le rapport mère-fille est central, vient ensuite le rapport à la maladie d’Alzheimer et à ce que ça implique en termes de mémoire, de souvenirs et de difficultés. J’aime beaucoup le sens de vérité que cette pièce permet au niveau du jeu et avec les comédiennes nous avons énormément travaillé la relation mère-fille, j’avais envie qu’à travers les personnages et les situations auxquelles ils sont confrontés, on puisse ressentir l’ambiguïté et la complexité de leurs émotions, qui oscillent sans arrêt entre tensions extrêmes et tendresse profonde. Une des difficultés était de trouver le bon équilibre, le bon rythme, pour être au plus juste avec les pics de tensions et les périodes plus calmes qui alternent dans l’histoire. A côté des aspects de jeu et de mise en scène, je crois que la prise de parole au théâtre engage à une certaine responsabilité. La complexité des personnages, de leurs réactions permet d’engager une réflexion sur nos propres réactions dans la vie réelle. Si la fille n’était que gentille et dévouée à sa mère, le risque serait que le public ne se retrouve pas dans ce comportement, et se sente coupable d’éprouver d’autres sentiments moins avouables face à pareille situation. J’aime l’idée que le théâtre, en décryptant certains de nos démons, puisse faire du bien aux gens. Pour moi c’est une vraie responsabilité de plateau, parce qu’on ne peut pas faire n’importe quoi, les gens viennent nous voir et on les touche. La façon dont on s’adresse aux gens est donc très importante. J’ai l’impression que l’on vit dans un monde où l’on doute beaucoup de l’intelligence des gens, c’est l’impression que donnent beaucoup de médias… Je crois en un théâtre qui parle à l’intelligence du public.

Cette prise de position se reflète-t-elle dans le collectif ?

Oui, on cherche et on réfléchit beaucoup avec le collectif, à comment s’exprimer pour créer un théâtre qui porte les valeurs qui nous tiennent à cœur : le jeu sincère, l’exigence de qualité… On veut un théâtre intelligent, mais pas élitiste. On a envie de faire un théâtre pour tous, un théâtre compréhensible, qui procure des émotions, de l’amusement, tout en amenant des réflexions.

Suite aux premières représentations, avez-vous eu des retours de la part du public justement ?

Oui, beaucoup. Lors des représentations en appartement tout d’abord, nous avons pu avoir de très beaux échanges avec le public. En passant la soirée avec les spectateurs, ils parlent plus spontanément de ce que la pièce a suscité en eux, de ce qui les a touchés. La relation avec un parent, le rapport à la maladie, aux handicaps, à la faiblesse, etc. sont des thématiques qui résonnent chez tout le monde. Le soir de la première au théâtre du Pixel, un couple de spectateurs est venu faire la fête avec nous au bar du coin, et on a fini la soirée chez eux ! Ça reste un très beau souvenir. On ne peut pas rêver d’une meilleure première que ça ! Quand on parle du théâtre qui rassemble, je trouve ça excellent le côté « venez prendre un dernier verre chez nous ». Un autre excellent souvenir fut ce monsieur d’une cinquantaine d’années, qui était venu juste parce qu’il connaissait une des comédiennes pour avoir fait du karaté avec elle dans sa jeunesse. Il n’était jamais allé au théâtre, se disait que le théâtre ce n’était pas pour lui, et pourtant, il m’a avoué avoir pleuré pendant la représentation ! Il est reparti en se disant que peut-être il avait loupé des trucs et qu’il allait probablement y retourner. Ce sont deux belles expériences, qui me confortent dans l’idée que je me fais de ce que doit être le théâtre.

En ce moment, vous rejouez la pièce pour une quinzaine de dates au théâtre du Pixel. Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Le prochain projet du collectif est Nous qui sommes cent de Jonas Hassen Khemiri. La pièce sera jouée au théâtre Les Déchargeurs dès le 13 octobre. On va jouer 5 semaines d’affilée. Dans Nous qui sommes cent, il est question d’une femme tiraillée entre plusieurs facettes d’elle-même à différents âges, qui se questionne sur l’existence dans laquelle elle se retrouve plus par dépit que par choix. Cette pièce parle beaucoup des stéréotypes, et de la façon dont, en tant que femme on nous enferme et on s’enferme soi-même dans un rôle… ce sont des choses qui m’intéressent. Avec les 16 dates prévues pour la reprise de Quelque part au milieu de la nuit, c’est une rentrée chargée qui nous attend. On aimerait aussi pouvoir jouer Quelque part au milieu de la nuit dans un milieu institutionnel, sanitaire et social, et l’utiliser pour animer des débats et des colloques.

Propos recueillis par Maya

Quelque part au milieu de la nuit
Avec Marie Petitjean et en alternance Jeanne Mercier et Lina Haute
Jusqu’au 31 octobre 2015
le jeudi et le samedi à 19h45
au théâtre pixel

les Jeudis 12/19/26 novembre à 19h30
les dimanches 6/13/20/27 décembre à 15h
au théâtre Le proscenium
Collectif Les Intrépides

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Charlotte PALMA - Auteur

Description de Charlotte

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