Photo // Xavier Blondeau, l’artiste du mois

Photographe autodidacte et enseignant-chercheur en biochimie, Xavier Blondeau interroge la place de l'individu dans son environnement à travers sa perception des espaces modernes et standardisés. Son univers et l'ambiance de ses photos nous font immédiatement penser aux travaux de l’anthropologue Marc Augé et aux peintures d'Edward Hopper. Epurées, à la limite de l'abstraction, jouant avec la lumière et l'obscurité, ses séries photographiques - de nuit, de mauvais temps, en sous-sol - représentent des non-lieux à première vue déshumanisés et baignés de solitude. Xavier Blondeau parvient pourtant à y révéler l'empreinte de l'être humain, comme une présence évanescente et mystérieuse. Découvrez notre artiste du mois à travers une série de questions-réponses !

Quelques mots pour décrire ton univers artistique ?

 

Je ne souhaite pas être rangé dans un univers particulier. Cela correspond mieux à ma personnalité. J’ai souvent l’impression de virevolter au gré de mes inspirations ou bien des rencontres en apparence fortuites, pour imprimer mon regard sur ce qui m’entoure. Pour moi, ce qui est essentiel, c’est ce rendez-vous avec l’émotion. Cette émotion qui peut se trouver à travers les lignes d’un corps que la lumière caresse, dans des silhouettes évaporées et éphémères rappelant le scintillement d’une flamme, dans la signalétique absurde d’un parking sous-terrain, explosé par des couleurs improbables ou bien dans l’apparition d’oasis de lumière dans l’obscurité de la nuit.

 

Un style peut-être, celui d’une photographie épurée et incomplète, laissant ainsi, à celui qui regarde, la liberté de finir l’histoire que racontent mes photographies.

 

D’où viens-tu ?

 

De formation scientifique, c’est depuis peu que j’exploite mon regard singulier vis à vis de ce qui m’entoure. Déjà plus jeune, j’avais l’impression de regarder là où personne ne jetait son regard. Construisant des univers improbables, je prenais plaisir à faire revivre les éléments inanimés environnants. Une manière de vivre ma solitude, cette difficulté à communiquer avec l’autre. Plus tard, j’ai rencontré l’immensité des déserts antarctiques et australiens. Depuis, je compose des réponses à mes interrogations à travers des séries photographiques dans lesquelles l’individu est le point central.

 

C’est donc en parallèle de mon activité d’enseignant-chercheur à l’université que je réalise depuis quelques années un travail photographique d’auteur. Commençant en autodidacte la photographie argentique
durant mon adolescence, des nuits blanches à développer et à faire des tirages dans mon laboratoire de fortune, c’est seulement avec la photographie numérique qu’une démarche artistique a pu réellement se développer.

 

Quelles sont les œuvres ou les artistes qui t’ont le plus marqué ?

 

N’ayant aucune formation artistique, c’est à travers les expositions que j’ai trouvé mes références photographiques. Mes premières émotions ont été vécues avec Todd Hido, grâce à ses univers personnels et intimistes dans lesquels la solitude se situe dans ce que l’image ne montre pas, alors que les personnages, présents dans le travail de Gregory Crewdson, semblent désincarnés comme s’ils étaient ailleurs. L’univers fantasmagorique d’Ellen Kooi répond également à ce regard décalé d’enfance sur notre monde.

 

Des projets, des envies ?

 

La photographie constitue pour moi un champ d’investigation, mêlant une forme d’esthétisme épuré à une démarche instinctive profonde – ne pas réfléchir, mais vivre l’instant de la création photographique lors de la prise de vue. C’est ensuite que s’élabore secrètement la forme que prendra la série en gestation. Cette gestation peut prendre parfois plusieurs années. Actuellement, parallèlement au développement de nouvelles séries, je conçois des photographies translumineuses dans lesquelles la lumière joue un rôle singulier dans la perception de l’espace. La lumière sera également intégrée dans une séquence temporelle afin de donner un mouvement dans l’image.

 

A quelle question aurais-tu aimé répondre ?

 

Ce qui stimule le plus ma créativité et m’aide à sortir du cadre ?

Ce sont les challenges artistiques, les appels à contribution. Par exemple, pour le challenge « Rendre l’art accessible aux déficients visuels », j’ai conçu une expérience sensorielle à partir d’une série photographique que j’avais alors adaptée pour créer une interface tactile.  Pour un salon d’Art contemporain, j’ai réalisé une installation dans laquelle les visiteurs découvraient des photographies de manière interactive à l’aide de petites lumières. Cette installation obscure était constituée d’un espace sonore spécifique. Elle donnait aux visiteurs l’impression de rentrer véritablement dans chaque univers photographique proposé. Ces challenges m’amènent souvent à dépasser l’utilisation classique de la photographie : une photographie, un cadre, un espace mural.

 

Propos recueillis par Céline

 

 

Site Internet : http://xbphotographe.com/

Profil : Facebook

Exposition collective à la Galerie Courcelles jusqu’au 7 juillet à Paris
Exposition collective à la Galerie Le Rez de Chaussé à Nantes du 5 au 8 juillet
Exposition collective à la Collégiale de Ribérac en Dordogne du 7 juillet jusqu’au 31 août avec le collectif Contempora
Exposition collective au SE Center Photography à Greenville (USA) du 6 au 28 juillet

Livre : Présence obscure, Xavier Blondeau, éditions Bleu de Berlin (2018)

Prix et récompenses : médaille d’argent au concours 2018 Moscow International Foto Award pour les séries Présence obscure et darkSide,
et médaille de bronze au Prix 2018 de la Photographie de Paris pour la série Corps à corps

 

©Xavier Blondeau, Présences obscures

 

©Xavier Blondeau, Présences obscures

 

©Xavier Blondeau, Présences obscures


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Revue Bancal - Auteur

Commentaires


  1. Merci Céline pour cette interview et la découverte de cet artiste !
    Sur son site, les deux thèmes Présence obscure (présenté ici aussi) et TranEnDense me plaisent beaucoup.

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