Littérature // Le régiment noir d’Henry Bauchau

Puissant roman de l'écrivain belge Henry Bauchau, "Le régiment noir" nous entraîne dans le tumulte de la guerre de Sécession. Livre initiatique et récit métaphorique sur la liberté et la différence, ce texte important a été publié pour la première fois par Gallimard en 1972, puis a fait l'objet en 2000 d'une nouvelle édition revue et corrigée chez Actes Sud. Bachau est un traqueur d’âme ; et il nous piège allègrement.

Bien sûr, il y a l’histoire qui se déroule aux États-Unis, guerre de Sécession – l’histoire du premier régiment noir de notre histoire humaine – et il y a l’écriture.

 

L’écriture de fond d’Henry Bauchau – quand l’histoire n’est que prétexte à écriture et que les deux au fil des pages s’équilibrent mot après mot, se respectent, se toisent et finissent par s’aimer comme les deux héros, l’un blanc l’autre noir –, quel amour de l’être et du verbe être !

 

Pierre le Blanc pense noir de plus en plus et Johnson le Noir pense liberté quand nous lecteur, de plus en plus, on sent l’oeuvre qui chemine en nous car l’écriture ne se lasse pas d’éclairer les profondeurs de l’âme. Elle fouille, débusque. Bauchau est un traqueur d’âme ; et nous piège allègrement.

 

Au cœur du livre, Pierre rencontre Ti-Kou, le peau-rouge ou le devenir animal. « Si tu chasses l’ours ou le loup, il faut que tu sois cet ours ou ce loup. Aujourd’hui, il faut être Ti-Kou car c’est lui que l’on va chasser… ». Pierre devient Cheval Rouge. En vérité, il n’y a qu’un seul personnage : un Je en devenir qui devient Tu et Vous et On. Les pronoms personnels swinguent à un rythme d’épopée.

 

Moi qui ne savais pas danser, mon corps obéit aux rythmes et aux puissances de l’Afrique. Mon corps invente des mouvements plus simples, ceux des branches, ceux de l’herbe et d’autres plus ardents qui ont des griffes, des dents et des narines ouvertes. Johnson se laisse tomber à la renverse sur le sol. Sa voix me soutient encore un instant et je danse sur le fil, à la limite de mes forces, avant de me laisser tomber à côté de lui sur cette terre du Sud que Stonewall Jackson ne défendra plus.

 

Livre initiatique : preuve que nous tous à un moment donné, nous devenons l’Autre. Pierre, blessé à mort devient Johnson fait prisonnier et vendu comme esclave. « Pierre marche enchaîné sur la route… et Johnson concentre toutes ses forces sur le lit pour supporter le mal. » L’écriture de Bauchau abolit les frontières : je suis toi / tu es moi. Pour le meilleur et pour le pire.

 

Le Régiment noir est un livre de tous les temps écrit dans un présent étincelant qui nous tient chaud, nous épaissit le sang, nous donne envie d’aller voir du côté la Différence. Un livre qui nous tient la main. Alors, allons voir…

 

valérY meYnadier, écrivaine

http://www.m-e-l.fr/,ec,1323

 

Le régiment noir, roman d’Henry Bauchau, Editions Gallimard, 1972

http://bauchau.fltr.ucl.ac.be/


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Revue Bancal - Auteur

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