L’humain au coeur du spectacle

Une pièce par et pour les parisiens à découvrir à la Villette jusqu'au 25 mai.

Une pièce par et pour les parisiens à découvrir à la Villette jusqu’au 25 mai.


Spectacle 100% Paris, Rimini Protokol, La Villette 2014

Spectacle 100% Paris, Rimini Protokoll, La Villette 2014

 

100 citoyens, représentatifs de la population parisienne selon différents critères d’âge, de sexe, de lieu d’habitation, de pays de naissance, etc., ont été choisis pour incarner sur scène leur propre rôle. A travers leurs témoignages, leurs prises de position, leur expérience personnelle, le collectif berlinois Rimini Protokoll parvient à dresser un portrait émouvant, surprenant et drôle de la population parisienne d’aujourd’hui. Nous avons posé quelques questions à Stefan Kaegi, l’un des membres du collectif ainsi qu’à l’un des 100 acteurs amateurs, Salih Branki.

Stefan Kaegi, pourriez-vous nous expliquer votre démarche, qu’avez-vous voulu montrer en montant ce spectacle atypique ?

L’idée avant tout, c’est de montrer une ville entière sur une scène. Traditionnellement, le  théâtre met en scène des histoires de rois, de victimes, de meurtriers, de parcours qui bien souvent relèvent du pathétique. Ici ce qu’on l’on donne à voir, c’est la vie quotidienne, en ce qu’elle a d’ennuyant ou de proche de ce que l’on peut vivre. C’est aussi l’occasion de découvrir ce que l’on ne connaît pas du tout : le quotidien du non-voyant, des gens qui viennent de continents différents, d’autres générations, etc. Les personnes présentent sur le plateau forment un groupe qu’on peut observer de très près.

Votre démarche s’inscrit-elle dans une approche sociologique ?

Oui, dans une certaine mesure. Les statisticiens le savent bien : les statistiques mentent toujours un peu, les personnes interrogées veulent souvent paraître autrement que dans la réalité. C’est pareil sur la scène, tout n’est pas vrai. A la question : « avez-vous menti ce soir ? », certains ont répondu oui, c’est plutôt représentatif de l’image que les gens veulent renvoyer d’eux-mêmes et ça raconte déjà quelque chose, même s’il y aussi beaucoup d’autocensure.

Vous vous intéressez donc plus à la fiction qui émerge de l’étude sociale ?

Je ne sais pas si c’est une fiction, car je crois qu’à la plupart des questions les gens ont répondu la vérité. Souvent c’est au moment où les gens meurent qu’ils se posent ces questions, elles nous racontent quelque chose.  Ce qui nous intéresse, c’est plus la perception de la réalité. Paris est souvent défini par des clichés que véhiculent les agences de voyage, les promoteurs de certains lieux culturels. Nous, on a voulu montrer le visage de Paris quand il est défini par un échantillon de 100 personnes  représentatives de tous les âges, quartiers, pays d’origine, etc. à un temps T,  c’est-à-dire au moment de la représentation.

Quelle est la part  artistique dans cette démarche ? 

En réalité, je me  fiche de la part artistique. Ce qui est important, c’est que ce soit divertissant. Quand on réfléchit et qu’en même temps  on ne s’ennuie pas. C’est cette balance que l’on a essayé  de trouver, je ne sais pas si on a bien réussi mais parfois la réalité à elle seule peut nous divertir. Après évidemment , il y a des décisions dramaturgiques, on essaie de ne pas seulement rendre compte de la réalité mais aussi de conceptualiser quelque chose qui marche comme un show, un music-hall, un opéra. C’est une image-miroir de la ville. Ce que je trouve intéressant dans le projet c’est que dans le public, chacun  peut  regarder ce qu’il a envie de voir. Chacun est libre de suivre le parcours d’une seule personne ou bien d’avoir une vue d’ensemble sur le groupe.

Travaillez-vous  toujours de la même façon dans toutes  les villes ou vous avez montez ce projet ?

Ce spectacle a été monté dans une vingtaine de villes à travers le monde. Il y a des choses qui évoluent, certaines scènes qui n’existaient pas avant sont développées. Les questions ne sont pas toujours les mêmes d’une ville à l’autre et surtout ce sont les réponses qui sont différentes.

Spectacle 100% Paris, Rimini Protokol, La Villette 2014

Spectacle 100% Paris, Rimini Protokoll, La Villette 2014

Salih Branki, pourquoi avoir accepté de participer à ce spectacle et quelles en étaient vos attentes ?

C’était pour moi l’occasion de monter sur scène et de vivre une expérience théâtrale atypique avec 99 autres acteurs. Ensuite, l’idée d’un spectacle centré sur Paris et ses habitants me plaisait bien. Enfin, le fait que cette pièce soit mise en scène par des étrangers (deux allemands et un suisse) me semblait intéressant, c’est ce regard extérieur sur Paris qui m’a attiré dans ce projet.

Comment se sont passées les répétitions ?

Nous avons fait une quarantaine d’heures de répétitions pour 6 représentations. Ce qui est à la fois peu et beaucoup. Beaucoup car ça représente beaucoup d’investissement en temps et peu, compte tenu du grand nombre de participants à orchestrer. Nous n’avons pas eu tout de suite la vision d’ensemble du spectacle car le filage a eu lieu quelques jours seulement avant la première représentation. Avant cela, nous étions nombreux à douter du résultat final, à nous demander où nous allions et si tout cela aurait du sens pour le public. De plus, il s’agit d’un spectacle très visuel, constitué de tableaux vivants et d’acteurs en mouvement. Nous, qui sommes sur scène, n’avons aucune idée du rendu final et de ce que voit le spectateur. Pour toutes ces raisons, les répétitions ont été assez déroutantes.

Elles ont aussi été très animées. A plusieurs reprises les participants ont demandé à changer une question qu’ils jugeaient mal posée ou ne permettant pas de répondre de façon nuancée. C’est notamment le cas de la question sur le voile qui a fait l’objet de débats houleux au sein du groupe.

Après les premières représentations, êtes-vous satisfait du résultat ?

C’est avant tout un divertissement et en ce sens, c’est très réussi. Le spectacle convient à tous les âges, il est à la fois instructif, émouvant et souvent très drôle. Le public est très réactif : on entend les rires, les applaudissements et les réactions spontanées des spectateurs face à des situations qu’ils reconnaissent ou à des personnages auxquels ils s’identifient.

Qu’avez-vous retiré personnellement de cette expérience de thêatre en tant qu’acteur amateur ?

J’étais très curieux de voir comment les metteurs en scène parviendraient à diriger autant de personnes à la fois. C’est cette expérience-là que je retiendrais en premier lieu.

J’ai aussi réalisé que le parisien n’était pas aussi détestable que prévu. Même si j’ai conscience que l’échantillon n’est pas parfaitement représentatif, j’ai été surpris par l’image des parisiens qui en ressortait  – ouverts d’esprit, tolérants et drôles – très éloignée de l’image de râleurs et de snobs qui leur colle à la peau.

Props recueillis par Marie et Céline.

100% Paris, par Rimini Protokoll, La Villette, Grande halle – salle Charlie Parker

Vendredi et samedi à 20h30, dimanche à 16h30, durée : 1h35

Site Internet

 


Télécharger le PDF


Charlotte PALMA - Auteur

Description de Charlotte

Commentaires


Les champs marqués d'un * sont obligatoires.