Festival des 3 continents

Pour sa 37e édition, le festival des 3 continents (F3C) à Nantes s'est principalement concentré sur l’Asie. Les films latino ou africains n’étant pas tout à fait à la hauteur, selon Jérôme Baron, directeur artistique du festival.

Pour sa 37e édition, le festival des 3 continents (F3C) à Nantes s’est principalement concentré sur l’Asie. Les films latino ou africains n’étant pas tout à fait à la hauteur, selon Jérôme Baron, directeur artistique du festival.

Affiche-3-ContinentsLa famille est au centre des quatre films de la sélection officielle que j’ai pu voir : la famille comme dernier îlot ou bien comme repoussoir, dans un monde qui va trop vite.

Scarecrow, film philippin de Zig Dulay, décrit l’histoire universelle d’une famille pauvre, abandonnée à son sort. Une jeune veuve vit seule avec ses deux enfants et sa mère, travaillant durement pour rester digne. Son fils est accusé de vol par sa belle-sœur bourgeoise et c’est sa lutte pour rétablir la vérité que nous suivrons pendant plus d’une heure. La mise en scène propre et appliquée ainsi que le petit garçon formidable rendent le film agréable mais sans grand intérêt.

Dark in the white light, du Sri-lankais Vimukthi Jayasundara, fait partie de ces films qui courent plusieurs lièvres à la fois au risque de perdre le spectateur en cours de route. Le film suit la trajectoire de trois personnages qui se cherchent. Un jeune homme veut devenir moine, un docteur fait des expériences lugubres avec des malades abandonnés par leur famille pendant que son assistant cherche une raison de croire à la sienne… Le réalisateur, auteur du superbe La terre abandonnée, Caméra d’or à Cannes en 2005, travaille son film comme on malaxerait de la pâte à modeler. Toutefois, les portraits tout en ombres et lumières ne laissent pas indifférents, notamment grâce aussi à un montage percutant.

C’est avec Mekong stories, du vietnamien Phan Dang Di, que le festival a le plus transpiré. Ce film très sensuel suit le jeune Vü, apprenti photographe, dans un Saigon enfiévré au milieu d’une bande de garçons noctambules. Dans ce monde de la nuit, chacun d’eux a du mal à se laisser aller à son désir. C’est un film plein de moments fous mais qui en fait un peu trop dans la provocation stylée.

Le jeune chinois Bi Gan nous offre, avec Kaili blues, le meilleur film de la compétition. Kaili est une ville de la province montagneuse du Guizhou, dans le sud de la Chine. C’est dans cette région que nous suivons, dans une ronde mystérieuse, Chen à la recherche de son neveu. C’est un grand film hypnotique avec un regard poétique que nous livre ce jeune chinois de 25 ans. On est envouté par ses longues séquences qui nous entraînent dans des coins et recoins inattendus. Bi Gan est le digne héritier de Jia Zhang-Ke, le chef de file du cinéma chinois, qui aurait digéré tout Tarkovski et Antonioni. Le film doit sortir en février 2016 sur les écrans français et nous en reparlerons longuement.

Le F3C offrait une large rétrospective du grand cinéaste sud-coréen Im Kwon-Taek mais je n’ai pu voir que le formidable Mandala. L’histoire de deux moines venant de deux ordres opposés mais que les circonstances vont réunir, commence comme une comédie et finit par un drame poignant. La cinémathèque française de Paris présente, jusqu’au 29 février, l’intégrale de cet immense cinéaste. L’occasion donc de faire une session de rattrapage.

Il y a 50 ans se tenait la conférence tricontinentale à Cuba, regroupant 82 pays, avec pour programme la révolution mondiale. Le F3C lui rend hommage à travers une douzaine de films phares et très engagés comme le film cubain de Tomas Guturriez Alea Mémoires du sous-développement, film naviguant entre documentaire et fiction sur les transformations de l’île après la révolution. Quant à Point de départ de Robert Kramer, le réalisateur revient au Vietnam 23 ans après y avoir réalisé People’s War, pour enquêter sur le nouveau Vietnam en interrogeant les personnages d’hier.

Le programme Hong Kong Connection donnait à voir le meilleur du cinéma d’action hongkongais comme le rare Long arm of the law de Johnny Mak et sa bande de voleurs amateurs. Le film est le premier tourné en décors naturels dans un Hong Kong en pleine mutation.

Malheureusement je n’ai pu voir aucun des films de Kumar Shahani, cinéaste indien méconnu et formé en France, dont « l’œuvre est de ne pas considérer comme réglée la question de la fonction et des possibles du cinéma. » dixit Jérôme Baron.

Enfin les séances spéciales ont permis de voir des films qui ont marqué (Mustang de Deniz Gamze Ergüven, Yojimbo de Kurosawa, Une femme dans la tourmente, critiqué dernièrement ici…) ou marqueront leur époque (Au-delà des montagnes de Jia Zhang-Ke ou encore l’exceptionnel The Assassin de Hou Hsiao Hsien, qui a fait grand bruit à Cannes cette année et dont la sortie est prévue en avril 2016).

Cette année encore le festival des 3 continents a réussi, malgré l’absence de films latinos ou africains, à nous redonner la foi dans le cinéma d’auteur avec la découverte de jeunes talents asiatiques.

Salih B.

Palmarès du F3C : 

Montgolfière d’Or : Kaili Blues de Bi Gan

Prix du Jury Jeune : Mekong Stories de Phan Dang Di

Prix du public Wik-Fip : Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi

Mention spécial du jury : Neon Bull de Gabriel Mascaro

Montgolfière d’Argent : Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi

PS : L’actualité fait bien les choses puisque Au-delà des montagnes sort sur les écrans français ce mercredi. Le réalisateur Jia Zhang-Ke nous livre l’histoire très émouvante de  Tao (Zhao Tao) aimée par deux hommes mais qui choisira le plus riche des deux avec qui elle aura un enfant nommé Dollar. C’est un film sur les chinois d’aujourd’hui mais c’est surtout un grand film sur les rapports sociaux.


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Charlotte PALMA - Auteur

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