Expo // Mystérieux coffrets

Du 18 septembre 2019 au 6 janvier 2020, le musée de Cluny propose une très jolie exposition sur les coffrets à la fin du Moyen Âge. Objets du quotidien, témoins de pratiques sociales et intimes, ces coffrets forment un corpus cohérent et méconnu. L’exposition menée comme une enquête nous fait découvrir cet ensemble en nous transportant à Paris, à la fin du Moyen Âge.

Environ 140, c’est le nombre de ces coffrets à estampes qui ont su résister au temps et sont arrivés jusqu’à nous. Elles n’en ont pas l’air de prime abord, avec leur aspect fragile, loin des fastes de l’art autour de 1500, mais ces boîtes parallélépipédiques en bois, recouvertes de cuir, bardées de fer et ornées d’une estampe à l’intérieur, nous ouvrent un pan de l’histoire culturelle peu connu. Elles nous offrent aussi un aperçu du travail des chercheurs et des conservateurs qui patiemment reconstituent leur parcours de vie.

 

L’exposition propose ainsi une analyse de ces œuvres à la manière d’une enquête, en étudiant les différentes composantes matérielles de ce corpus original. Tout d’abord, le signe le plus distinctif : les estampes coloriées que l’on retrouve fixées à l’intérieur du couvercle. Que représentent-elles et que peuvent-elles nous apprendre ? Le rapprochement des différentes images gravées sur bois fait apparaître un cycle cohérent, tant par le sujet que par le style. Elles ont, pour la grande majorité, une iconographie religieuse qu’il s’agisse de la Passion du Christ ou d’épisodes de la vie de saints. Les compositions, les dispositions des épisodes, les places du texte renvoient à d’autres productions et mènent à un « suspect » : Jean d’Ypres. Il est l’un des peintres les plus reconnus et les plus actifs de son temps, à Paris à la fin du XVe siècle. Cette personnalité prolixe, auteur de manuscrits enluminés, de peinture, de cartons de vitraux ou de tapisserie et travaillant pour les plus grands, n’a pourtant été remise au jour que récemment. Sa production fut maintes fois déclinée et connut un succès retentissant grâce à cette innovation technologique récente, l’imprimerie. L’exposition nous propose ainsi de faire connaissance avec cet artiste majeur.

 

L’omniprésence de l’iconographie religieuse peut-elle être une piste pour comprendre à quoi servaient ces coffrets ? Car, en effet, la question de leur usage reste une interrogation centrale. La présence de passants sur les côtés atteste que ces boîtes pouvaient être transportées en bandoulière mais leur confection les rend trop fragiles pour envisager de grands périples. Un souci de sûreté semble évident, les serrures sont à secret et, dans la plupart des coffrets, il existe des logettes dissimulées dans le coffre. Leur usage a fait l’objet de nombreuses hypothèses (coffret de pèlerin pouvant cacher leur sauf-conduit dans la logette, boîte de messager renfermant des missives secrètes…). Il est fort probable que ces écrins aient eu plusieurs fonctions. L’analyse matérielle souligne la cohérence qui existe entre les dimensions de ces coffrets et celles des livres religieux contemporains. Une piste à creuser… qui n’enlève rien au mystère de ces œuvres.

 

Cette exposition réussit à nous faire vivre les péripéties de ces œuvres, on se surprend à chercher les points communs, les différences. Nos yeux s’attachent aux détails des estampes comme à la finesse des serrures. La scansion de l’espace engendre un rapport de proximité avec les coffrets présentés dans une lumière douce. C’est une exposition réjouissante aussi bien pour les sens que pour l’esprit.

 

Isabelle

 

Mystérieux coffrets. Estampes au temps de la Dame à la licorne, au Musée de Cluny, 28 rue du Sommerard 75005 Paris, jusqu’au 6 janvier 2020

 


Télécharger le PDF


Revue Bancal - Auteur

Commentaires


Les champs marqués d'un * sont obligatoires.