Comment décririez-vous Sacha ?

Sacha est un jeune garçon de 15 ans très sympa et attachant et aussi porteur d’une trisomie 21. Il est volontaire mais aussi très sensible et empathique. Il a ses petites manies et ses habitudes mais avec un peu d’humour on arrive à lui faire faire beaucoup de choses ! Sacha parfois nous surprend. Il aime qu’on lui donne de l’indépendance et c’est souvent son entourage qui résiste par peur, pensant qu’il n’est pas prêt. Je me souviens quand il a commencé à aller seul à la bibliothèque, j’étais stressée, on le suivait de loin sans qu’il nous voit au cas où il aurait un problème. Mais, dès le début, il s’en est sorti comme un chef. Maintenant, il rentre seul de son centre de loisirs et quand il rentre de l’école certains soirs, nous ne sommes pas encore revenus du travail. Il utilise sa clé, il nous appelle de lui-même quand il arrive et prépare son goûter. Avec le projet de scolarisation à domicile, nous allons  non seulement développer ses compétences scolaires mais nous allons aussi pouvoir développer davantage son autonomie dont il est très  fier et demandeur. De plus, Sacha se réjouit de suivre l’école à la maison l’année prochaine.

Sacha croqué par Delphine Delas

Pouvez-vous revenir sur la genèse du projet ?

Cela fait de nombreuses années que nous constatons que Sacha ne reçoit pas l’instruction dont il aurait besoin.  Sacha peut apprendre, peut progresser mais cela nécessite de bien l’observer, et de faire preuve de flexibilité et de remises en question. Il faut savoir identifier ses forces et les défis qu’il peut relever. Il faut pouvoir adapter et ré-adapter les objectifs initiaux, les façons de faire, trouver un autre chemin pour qu’il accède aux apprentissages. Le système scolaire n’arrive pas à répondre à de tels enjeux. En revanche une scolarisation à domicile doit pouvoir le  permettre. Nous avons observé Sacha au cours de sa scolarité, nous le connaissons, nous savons ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins. Nous voulons lui offrir la chance de développer ses talents, ses envies, de prendre le temps d’apprendre. A sa naissance, nous avions été touchés par ces mots extraordinaires : « très vite vous en saurez plus que tous les spécialistes sur votre enfant, faites-vous confiance ». Ces mots ont un écho important pour nous aujourd’hui. Oui, nous connaissons notre fils, nous savons qu’il peut nous surprendre. Notre projet de scolarisation à domicile lui donnera une chance d’aller plus loin et à son rythme!

Ce projet revêt aussi un côté militant, c’est pour cela que nous avons créé le blog Sacha le cœur qui bat. Ce site fait partie intégrante du projet pédagogique de Sacha, nous posterons des articles montrant ses progrès, les exercices, les adaptations que nous ferons etc. Nous espérons que peu à peu c’est lui qui s’en occupera. Nous avons aussi prévu de nourrir le site de retours sur les méthodes que nous utilisons, sur le programme et la planification, les évaluations etc. Bref, nous espérons que notre expérience pourra servir à d’autres familles, et qu’il contribuera à changer le regard sur la trisomie 21 !

Quelle est la situation des élèves vivant avec une trisomie 21 en Suisse aujourd’hui ?

L’entrée à l’école ordinaire n’est toujours pas une évidence pour les élèves vivant avec une déficience intellectuelle. Quand je regarde la scolarité de Sacha, je me rends compte que malgré toutes les batailles que nous avons mené, le résultat est loin, très loin de ce nous espérions pour notre fils. Il a fallu faire des deuils, d’abord d’une scolarisation dans l’ordinaire, puis d’une classe intégrée dans un établissement, et aujourd’hui celui d’une scolarisation dans une école… Sacha est maintenant arrivé à l’âge où il doit quitter les structures du secondaire spécialisé. La seule option qui nous est « proposée », ne lui permettra pas d’apprendre à lire, à écrire, à compter… Depuis le début, les heures consacrées à l’apprentissage de la lecture sont insuffisantes dans l’enseignement spécialisé. Ces constats ne sont pas récents, mais renoncer à l’école publique, élaborer un projet de scolarisation à domicile tout en continuant nos activités professionnelles respectives représentaient un vrai saut dans le vide pour nous. C’est devenu aujourd’hui une nécessité parce que nous savons que c’est la condition pour que Sacha puisse devenir le plus autonome possible. Nous espérons qu’il pourra choisir une activité professionnelle dans un domaine qui lui plait. Il est aujourd’hui trop jeune pour savoir laquelle. ll a besoin de temps, et c’est du temps et de nouveaux savoirs que nous voulons lui offrir et que l’école n’arrive pas à proposer à ces élèves.

Comment cela va-il-se passer financièrement?

A Genève, les coûts sont très élevés. Nous devons prendre en charge l’intégralité des salaires de l’enseignant.e et de l’éducateur.trice, mais aussi de certaines thérapies. Nous avons également prévu des activités à l’extérieur de la maison pour qu’il continue de fréquenter des jeunes de son âge. Ce montant est trop élevé pour notre budget familial. La fondation Wilsdorf nous a attribué une bourse d’étude de 30 000.- pour une année, la fondation Michelham une aide de 3000.- pour l’installation (ordinateur etc.). Nous avons aussi mis en place une cagnotte solidaire qui sera clôturée le 1^er juin. Nous sommes très touchés par l’élan de générosité qu’elle suscite. A l’heure actuelle nous avons déjà obtenu plus de 7 500.- Nous sommes encore loin du compte, mais nous espérons que d’autres fondations accepteront de soutenir notre projet et que la cagnotte continuera de se remplir d’ici sa clôture le 1^er juin!

Propos recueilli par Marie

Dessins de Delphine Delas
Blog Sacha, un cœur qui bat
La cagnotte solidaire

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