Culture // L’inceste dans les œuvres d’art

En janvier 2021 sort le livre "La Familia grande" de Camille Kouchner dans lequel elle relate les agressions sexuelles incestueuses que son beau-père a exercées sur son frère jumeau lorsqu'il était enfant. Invitée à l'émission "La grande librairie", l'écrivaine confie à François Busnel que les livres traitant du sujet de l'inceste ou de la pédocriminalité l'ont beaucoup aidée et certainement poussée à écrire sur sa propre histoire familiale. L'inceste, toujours tabou à l'ère post #metoo et enfoui derrière un silence dramatique, est très présent dans les œuvres d'arts, particulièrement au cinéma et dans la littérature.

Si les œuvres traitant de ce thème universel et intemporel ont toujours existé – dans la mythologie grecque, la bible ou les contes traditionnels (Peau d’âne, de Charles Perrault par exemple) – les œuvres actuelles font l’objet à l’ère post #metoo de vives réactions, à l’instar du livre de Camille Kouchner La famiglia grande publié en 2021 aux éditions du Seuil, et suscitent enfin des débats de société nécessaires sur la législation, la prise en charge des victimes et la protection des enfants.

 

Dans le film danois Festen, réalisé par Thomas Vinterberg en 1998, Christian révèle lors d’une grande fête familiale les agressions sexuelles que son père lui a infligées enfant. A l’horreur du viol s’ajoutent la loi du silence, le suicide de sa sœur elle-même abusée, le rejet des proches après la révélation ; le film dépeint parfaitement la double peine à laquelle les victimes sont condamnées.

 

Dans son autobiographie Il était un piano noir…, Barbara déclare qu’elle a été victime du comportement incestueux de son père pendant son enfance. Selon le psychanalyste Philippe Grimbert, la chanson L’aigle noir décrirait un rêve de Barbara, dans lequel un oiseau – qui représente son père – vient troubler son sommeil. Le texte peu explicite de la chanteuse illustre parfaitement la difficulté des victimes à poser des mots sur les traumatismes de l’enfance. Dans sa chanson Nantes, Barbara raconte l’annonce de la mort de son père, qu’elle avait perdu de vue : « Voilà qu’il m’était revenu. » et de son regret de ne pas le revoir une dernière fois. Ici, il est presque question de pardon.

 

En 2015, Christine Angot publie Un amour impossible qui sera adapté au cinéma en 2018 par la réalisatrice Catherine Corsini. Ce n’est pas la première fois que l’autrice évoque les viols incestueux par son père. C’est la relation mère-fille qui est au cœur du récit et dévoile combien l’inceste perturbe les liens intra-familiaux.

 

Le roman de Gabriel Tallent My absolute darling publié en 2018 aux éditions Gallmeister met en scène un père incestueux qui vit seul avec sa fille adolescente. L’emprise psychologique subie par l’enfant est décrite avec une grande maîtrise ; tous les éléments spécifiques à ce type de relation toxique sont présents : la manipulation, l’humiliation, l’usage de la violence, la peur. Sombre, perturbant et angoissant comme un thriller, le roman raconte comment la jeune fille parviendra finalement à s’échapper de sa prison.

 

Enfin, il faut absolument écouter le podcast en 5 épisodes Ou peut-être une nuit de la journaliste Charlotte Pudlowski produit par Louie Média pour comprendre l’ampleur du phénomène (7 à 10% de la population française a déjà subi des viols intra-familiaux, deux à trois enfants par classe de CM2) et sa dimension systémique (les lacunes de la justice, le déni de la société, l’inversion de culpabilité, etc.). L’enquête très documentée est une analyse fine du tabou et du silence qui entourent l’inceste. « Les histoires d’inceste sont toujours des histoires de domination », selon la journaliste qui démontre pas à pas comment l’inceste est un des fondements de la domination patriarcale sur les corps des femmes et des enfants.

 

Céline

 

La Familia grande, roman de Camille Kouchner, éditions du seuil (2021), lire

Ou peut-être une nuit, Charlotte Pudlowski, Louie Média, écouter

Un amour impossible, roman de Christine Angot, Flammarion (2015), lire

My absolute darling, roman de Gabriel Tallent, éditions Gallmeister (2018), lire

 

 


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Revue Bancal - Auteur

Commentaires


  1. Merci Céline pour cet article ! Je ne savais pas que Festen traite de l’inceste.

  2. Tres bon article de la revue Bancal qui traite malheureusement une bien triste réalité avec des statistiques « énormes » sur ce sujet !.

  3. un article édifiant sur un sujet resté tabou depuis des décennies.
    il faut du courage et de la détermination pour oser dénoncer ces horribles agissements afin de
    reconnaître ces victimes.

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