Ciné // 12 jours, Depardon

Avec son dernier film 12 jours, Raymond Depardon poursuit son travail documentaire sur le thème de la folie, cette fois sous l'angle de la justice, un autre de ses sujets d'étude. Un film sensible qui s'articule autour de la parole des malades et qui soulève d'angoissantes réflexions sur la place que notre société française accorde aux fous.

Avant 12 jours, les personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées devant un juge des libertés qui décide d’une éventuelle libération ou de la prolongation de la détention. En filmant en champ-contrechamp ces entretiens judiciaires, Raymond Depardon recueille et restitue avec respect et compassion une parole rare, celle des malades psychiatriques.

 

Cette parole poignante, souvent inquiétante est toujours troublante lorsqu’elle révèle l’extrême lucidité des malades sur leur situation. Comme ce jeune schizophrène qui aimerait que les médecins le préviennent quand il sera guéri car il a bien l’intention de reprendre une vie normale et honnête à sa sortie. Dans leurs délires paranoïques et de persécution, ces êtres brisés et torturés incarnent à eux seuls tous les maux de nos sociétés, et toute la folie de notre monde. A travers leurs témoignages (véridiques ou inventés, peu importe) – harcèlement au travail pour cette salariée d’Orange, viols à répétition pour cette jeune fille – on réalise qu’ils sont les premiers touchés par la violence d’un système qui laisse peu de chances et de place aux plus fragiles.

 

On est sidéré par moments par l’impuissance des juges (« on ne sert à rien », en rira l’une des juges) face à des institutions qui enferment et écrasent les personnes hospitalisées. Il est difficile d’entendre qu’on ne permettra pas à cette jeune maman de voir sa fille de deux ans ni à cette femme de rentrer chez elle pour mettre fin à ses jours.

 

En leur donnant la parole, même si celle-ci a peu d’effet sur la décision judiciaire, Raymond Depardon rend à ces hommes et à ces femmes un peu de la dignité qu’ils et elles méritent. Entendre les malades s’exprimer et se défendre fait un bien fou, même si l’on est un peu décontenancé de les voir repartir pour la plupart soulagés et pleins de gratitude envers un juge qui les a condamnés à l’enfermement… mais qui les a écoutés : « Quand je serai footballeur professionnel, je ferai un don à cet hôpital. » conclut un jeune malade.

 

Céline

 

Pour aller plus loin :

 

> Dans les musées

La Folie en tête aux racines de l’art brutLa Maison de Victor Hugo, Paris 3e (16 novembre 2017 – 18 mars 2018)

 

> Dans la littérature

Ma mère, musicienne, est morte de maladie maligne à minuit, mardi à mercredi, au milieu du mois de mai mille977 au mouroir Memorial à Manhattan, Éditions Attila (2012)

Mary Barnes, un voyage à travers la folie, Seuil (1976)

 

> Dans l’actualité

En Italie, les fous sont des citoyens comme les autres, Usbek & Rica (10 décembre 2017)

Surpopulation, maltraitance… Les hôpitaux psychiatriques français sont-ils devenus «indignes du XXIe siècle» ?, 20 minutes (5 décembre 2017)


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Céline Chartier - Auteur

Céline est éditrice et co-fondatrice de la revue Bancal.

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