Artistes confinés #13 // Ruder Novak-Mikulic, designer
18/05/2020
Nous avons interrogé plusieurs artistes pour comprendre ce que le confinement changeait à la pratique de leur art. Comment l’obligation de rester enfermé.e impacte-elle leur créativité ? Quelles sont les conséquences pratiques et matérielles du confinement sur leur organisation, leur situation ? Bref, comment continuer à être un ou une artiste en temps de confinement !
Ruder Novak-Mikulic est designer. Il est l’un des 3 artistes et co-fondateur de Regular Company, situé à Zagreb. Fondée en 2015, Regular Company est un studio de design multidisciplinaire travaillant dans les domaines du design de produits, du design de mobilier et du design numérique.
(Version anglaise à la suite de l’interview)
Dans quels états émotionnels te plonge le confinement ?
Je ressens en fait un état général de quiétude. Tout s’est un peu ralenti autour de moi ; du coup, je me suis dit que j’allais avoir plus de temps et d’énergie pour faire avancer certaines choses. Cette tranquillité fut intéressante à ressentir et à explorer dans le cadre de mes projets.
Pendant la pandémie, Zagreb a été frappé par un tremblement de terre qui fut particulièrement accablant.
Ces émotions sont-elles favorables à ta créativité ?
Tout cela m’a incité à me concentrer sur mon travail et m’a donné l’envie d’avancer sur des projets qui attendaient dans des tiroirs et que je n’arrivais jamais à finir. Malheureusement, il s’est avéré que je ne disposais pas autant de temps que ça.
L’obligation de rester chez toi te rend-elle plus prolifique ? Au contraire, l’enfermement et l’isolement t’empêchent-ils de pratiquer ton art ?
J’ai eu la chance de pouvoir me rendre à l’atelier tous les jours et de pouvoir travailler sur tous les projets plus ou moins comme avant.
Rester en contact au jour le jour avec les clients et les collaborateurs à l’étranger était primordial. J’ai réalisé que ce n’était pas la fin du monde, que les choses étaient juste temporairement différentes mais que tout continuait à fonctionner.
Alors que la production et les opérations quotidiennes étaient au point mort, certains de nos clients comme Artisan (d’exceptionnels artisans spécialisés dans la production manuelle de meubles de haute qualité en bois massif basés en Bosnie-Herzégovine) ont eu plus de temps à consacrer à la R&D et au développement de nouveaux produits, et nous avons été en mesure de travailler sur des designs que nous n’aurions peut-être pas pu réaliser avant un certain temps.
Quelles solutions, quelles nouvelles habitudes as-tu déjà mises en place dans ton activité artistique ?
La période n’a pas été suffisamment longue pour avoir un impact significatif sur ma routine de travail mais il y a eu quand même quelques changements. J’ai passé moins de temps en réunion et dans les déplacements ; ça peut sembler plus efficace d’une certaine manière. Mais rien ne remplace le fait de parler à quelqu’un de visu, de participer à des séances de brainstorming, de discuter d’un projet dans un café, de faire des croquis, etc.
Le contexte sanitaire et la situation de confinement t’inspirent-ils, influencent-ils déjà ta production artistique ? Ressens-tu le besoin ou l’envie de t’exprimer à travers ton art sur l’épidémie et la situation ?
Je n’ai jamais ressenti le besoin de m’exprimer sur l’actualité à travers mon travail, d’autant plus que la plupart de mes projets actuels sont toujours en cours. Si le confinement avait duré plus longtemps, peut-être aurais-je été incité à m’inspirer du contexte.
Crains-tu pour ta situation financière et plus généralement pour ton activité artistique après le confinement ?
Pour l’instant, les choses semblent avoir été mises en pause avant de reprendre là où elles s’étaient arrêtées au moment de la pandémie. Mais il y a une grande incertitude sur les répercussions que cette période aura à plus long terme, et sur la manière dont elle affectera chacun d’entre nous.
Notre industrie ne sera peut-être pas la première à être touchée, mais nous pourrions être impactés indirectement. D’un autre côté, je suis de nature optimiste et j’ai tendance à penser que les choses reviendront à leur point de départ.
Propos recueillis par Céline
Avec l’aimable collaboration de Yves Mirande, @yvesmirande
Pour suivre le travail de Ruder Novak-Mikulic :
Instagram : https://www.instagram.com/ruderko/
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In what emotional states does confinement put you?
Actually, mostly a state of calmness. Everything around me slowed down a bit, and I felt I have more time and energy to get things done. This calmness was interesting to feel and explore while working on projects.
Along with the pandemic, Zagreb was also struck by an earthquake which was very humbling.
Are these emotions conducive to your creativity or do they inhibit you?
It gave me an incentive to focus on work, and the idea that I will be able to work on all the projects that are waiting in the drawer, and that I never get to finish. Unfortunately it turned out that there is never enough time.
Does the obligation to stay home make you more prolific? On the contrary, do confinement and isolation prevent you from practicing your art?
I had the fortune to be able to visit the studio every day, and work more or less on all projects as before.
Keeping in touch on a day to day basis with clients and collaborators from different parts of the world was very important, it gave me the feeling that the world isn’t coming to an end and that things are just temporarily different, and that everything is still functioning.
As day to day production and operations were in a stand still, some of our clients like Artisan (fantastic craftsmen specialized in the manual production of high quality furniture made from solid wood based in Bosnia Herzegovina) had more time to focus on r&d and product development, and we were able to start working on designs that we maybe wouldn’t have gotten to for some time.
What solutions, what new habits have you already established in your artistic activity?
It was not such a long period to have major influences on my workflow, but there have been some changes. Less time is being spent in meetings and driving around. Although this might be more efficient in some way, there is something in having face to face talks, brainstorming sessions, sitting in a cafe and discussing a project, sketching etc.
Do the health context and the situation of confinement inspire you, do they already influence your artistic production?
Do you feel the need or the desire to express yourself through your art about the epidemic and the situation ?
I haven’t felt the need to address the situation through my work, as most of my current projects are still on track. If this had lasted longer, maybe it would have influenced me to think in that direction.
Do you fear for your financial situation and more generally for your artistic activity after confinement?
At the moment things seem as if they have just been paused, and will simply continue where they were when the pandemic started. But there is a great level of uncertainty on the repercussions that this period will have in the longer term, and how it will affect any of us.
Maybe our industry will not be the first one to be hit, but we might feel it consequently. On the other hand, I tend to think positively and hope that things will go back to where they were heading.
Commentaires
Delphine
22 mai 2020
Merci pour cette ITW ! Les courbes des chaises désignées par l’artiste me plaisent beaucoup Y a-t-il un lieu accessible pour les voir, quand la vie reprendra sa circulation normale ou presque ?
Revue Bancal
28 mai 2020
Merci Delphine !
Ligne Roset expose les produits de la marque Artisan dans ses magasins parisiens : http://www.ligneroset-parisreaumur.fr/.