Artistes confinés #12 // Tony Matelli, sculpteur

Nous avons interrogé plusieurs artistes pour comprendre ce que le confinement changeait à la pratique de leur art. Comment l’obligation de rester enfermé.e impacte-elle leur créativité ? Quelles sont les conséquences pratiques et matérielles du confinement sur leur organisation, leur situation ? Bref, comment continuer à être un ou une artiste en temps de confinement !

Tony Matelli est un sculpteur américain qui vit et travaille à New York. Abandon est sa première exposition dans l’espace parisien de la galerie Andréhn-Schiptjenko qui le représente (10, rue Sainte-Anastase, 75003 Paris, expo jusqu’en juillet 2020).
Depuis 20 ans, les sculptures Weed de cette exposition constituent une série continue d’œuvres uniques en bronze peintes à la main. Chaque œuvre représente dans les moindres détails et à l’échelle originale ce que le titre implique – une mauvaise herbe.

 

Ce thème des plantes qui prospèrent dans les endroits les plus hostiles – une fissure dans la chaussée, un trou dans un mur, une bosse sur la route – nous est particulièrement cher ;  nous sommes actuellement en train d’éditer un ouvrage dont le titre sera : « Saxifrages » (mot qui désigne les plantes qui poussent dans les fissures des murs et des rochers). Ce recueil de nouvelles a pour sujet la prison et les mots « saxifrages » qui s’échappent des murs.

 

« La mauvaise herbe est un triomphe et un échec à la fois. Les mauvaises herbes persistent ; vous ne pouvez pas les tuer. Elles célèbrent les indésirables. Elles sont déchets et vie à la fois » Tony Matelli

 

(Version anglaise à la suite de l’interview)

 

Dans quels états émotionnels te plonge le confinement ?

Je parlerais plutôt d’une absence d’émotions. Tout est engourdi, je ressens un grand malaise.

 

Ces émotions sont-elles favorables à ta créativité ? 

Pas exactement. Je suis capable de créer même soumis à des états anxieux ou dépressifs. Mais comme je viens de le dire, ce n’est pas vraiment ce que je ressens actuellement. Le vrai problème, c’est le manque de motivation. La situation est incertaine, et l’incertitude est désastreuse pour la créativité.

 

L’obligation de rester chez toi te rend-elle plus prolifique ? Au contraire, l’enfermement et l’isolement t’empêchent-ils de pratiquer ton art ? 

Je suis toujours en mesure de me rendre à mon atelier mais mes assistants ne sont plus là pour travailler avec moi. Cela rend certaines choses impossibles. Je fais ce que je peux faire seul au studio, ce qui m’occupe beaucoup. Cela me permet de réaliser des tâches que j’avais négligées jusque là. En fait, peu de choses ont changé à cet égard.

 

Quelles solutions, quelles nouvelles habitudes as-tu déjà mises en place dans ton activité artistique ?

Jusqu’à maintenant pas grand chose. Ça n’a pas été assez long. Si la situation devait durer encore 7 mois, je pourrais imaginer de nouvelles façons de travailler. Cela pourrait avoir un impact sur mes habitudes de travail dans le futur mais que je ne peux prévoir.

 

Le contexte sanitaire et la situation de confinement t’inspirent-ils, influencent-ils déjà ta production artistique ? Ressens-tu le besoin ou l’envie de t’exprimer à travers ton art sur l’épidémie et la situation ?

Rien ne m’inspire à ce sujet. Je ne réagis pas aux événements de cette façon là. La tranquillité et la solitude que nous vivons actuellement peuvent faire émerger de nouvelles idées ou de nouveaux sentiments, bien plus que les circonstances actuelles.

 

Crains-tu pour ta situation financière et plus généralement pour ton activité artistique après le confinement ?

Bien sûr. Aussi pour tous les jeunes artistes et galeries qui viennent de démarrer. Les jeunes artistes qui ont pris d’énormes risques financiers sont ceux qui ont le plus à perdre. Je vis à New York et les artistes sont déjà dans une situation économique incertaine. Je crains que les choses prennent beaucoup de temps pour redevenir stables.

 

Propos recueillis par Céline

Avec l’aimable collaboration de Yves Mirande, @yvesmirande

 

Pour suivre le travail de Tony Matelli :

http://www.tonymatelli.com/

Instagram : @tonymatelli

 

©Tony Matelli

 

©Tony Matelli

 

©Tony Matelli

 

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In what emotional states does confinement put you?

I would say that more accurately it is a lack of an emotional state. Everything is dulled, it is a malaise.

 

Are these emotions conducive to your creativity or do they inhibit you?

Not exactly. I’m able to work very well from places of anxiety and depression but like I said this isn’t really that. The real problem is lack of motivation. The situation is so uncertain and uncertainty is terrible for creativity.

 

Does the obligation to stay home make you more prolific? On the contrary, do confinement and isolation prevent you from practicing your art?

I am still able to go to my studio, however my assistants are no longer able to work with me. This makes certain things impossible. I’ve been doing what I can at the studio on my own which has kept me very busy. It has allowed me to catch up on things that were neglected for a long time. Honestly very little has changed in this respect.

 

What solutions, what new habits have you already established in your artistic activity?

So far none really. It hasn’t been long enough. If this were to go on for another several months I could imagine inventing new ways to work. This may have an impact on the way I work in the future in some unforeseeable ways.

 

Do the health context and the situation of confinement inspire you, do they already influence your artistic production? Do you feel the need or the desire to express yourself through your art about the epidemic and the situation right now? Do you feel the need or desire to express yourself through your art about the epidemic and the situation?

Nothing is inspiring about this.

I don’t really react to things in that way. I can imagine the quietness and the solitude giving birth to some new ideas or new feelings that’s more of a circumstantial thing.

 

Do you fear for your financial situation and more generally for your artistic activity after confinement ?

Of course. Also for the many younger artists and galleries just getting started. Young artists who take huge financial risks will obviously have the most to lose in this situation. I’m in NYC and artists already walk a very fine economic line. I fear things will take a very long time to get stable again.

 

 


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Revue Bancal - Auteur

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