Artistes confinés #11 // Nikita Fedrov, photographe

Nous avons interrogé plusieurs artistes pour comprendre ce que le confinement changeait à la pratique de leur art. Comment l’obligation de rester enfermé.e impacte-elle leur créativité ? Quelles sont les conséquences pratiques et matérielles du confinement sur leur organisation, leur situation ? Bref, comment continuer à être un ou une artiste en temps de confinement !

Nikita Fedrov est photographe de rue depuis 30 ans, d’abord en Ukraine, puis au Maroc et enfin en France. Pour lui, la beauté est dans le vécu. Alors, il photographie les hommes et les femmes qu’ils rencontrent, à travers des portraits qui révèlent leur histoire, leur existence. Son travail témoigne d’une époque qu’il juge aliénante et qui contraint certains à n’être plus que l’ombre de leur ombre, les « Seigneurs » comme il les appelle.

 

Dans quels états émotionnels te plonge le confinement obligatoire ?
Si je suis en colère ? Non, même pas mais je suis perplexe : je ne suis pas un expert mais je vois un confinement sans mesures d’accompagnement. Pas de masques, pas de tests, pas de ventilateurs, sans parler de traitements. Ça veut tout simplement dire qu’on est en salle d’attente, jusqu’à l’arrivage des masques.
En revanche, j’ai peur pour l’après covid19. Peur que les mesures prises pendant le confinement et après, perdurent et grignotent les libertés et les acquis des citoyens. Par exemple, la banalisation des contrôles, la surveillance par drones, les traçages, l’introduction des robots, les algorithmes qui gèrent et qui modélisent les circulations, etc. La liste est longue, et elle évoque des tâtonnements pour un monde nouveau.

 

Ces émotions sont-elles favorables à ta créativité ou au contraire t’inhibent-elles ?
Une œuvre d’art se nourrit des préoccupations de son artiste, de ses peurs et de ses rêves.
Dans la photo, j’exprime mes sentiments ; ma créativité est une sorte d’alchimie entre mes émotions et mon vécu…

Je pense à la sortie de cette pandémie, la vie socio-économique ne sera pas la même et mes photos non plus.

 

L’obligation de rester chez toi te rend-elle plus prolifique ? Au contraire, l’enfermement et l’isolement t’empêchent-ils de pratiquer ton art ? 
Je reste chez moi par obligation… mais je suis conscient de la gravité de la situation.
Je profite du confinement pour mettre de l’ordre dans mes idées, pour me poser des questions existentielles, pour me ressourcer par la lecture…
C’est vrai que je reste connecté aux réseaux sociaux et aux autres, mais je ne peux matérialiser mes pensées en photo que dans la rue : lieu de contact social par nature.

 

Quelles solutions, quelles nouvelles habitudes as-tu déjà mises en place dans ton activité artistique ?
Pendant la crise, on a vécu des polémiques incroyables sur tous les sujets, on sent qu’il y a des enjeux énormes.
Aucun sujet n’est pris à la légère… je pense de mon coté que pour chercher la vérité ou une partie, il faut traiter l’élément le plus insignifiant mais qui contredit le tout, tout en faisant partie de ce corps : c’est le subtil.
C’est ce que je m’efforcerai de faire dans mes prochains projets.

 

Le contexte sanitaire et la situation de confinement t’inspirent-ils, influencent-ils déjà ta production artistique ? Ressens-tu le besoin/l’envie de t’exprimer à travers ton art sur l’épidémie et la situation ?
L’état du contexte social ne peut que m’influencer, à travers la peur, le courage (des corps qui ont côtoyé la mort) et l’amateurisme de certains.

Comme je suis peu à l’aise avec le verbe, m’exprimer en photo est vital pour moi. Sur l’épidémie et la société en ce moment bien entendu… Ne pas en parler serait fuir la réalité, car rien ne sera plus comme avant. Je pense qu’en tant qu’artiste, j’ai le devoir de pointer là où ça fait mal.

 

Crains-tu pour ta situation financière et plus généralement pour ton activité artistique après le confinement ?
Pour vivre, j’enchaîne des missions dans la maintenance, je crains le chômage, pas plus… Mon activité artistique, à elle seule, ne me permettrait pas de survivre.

Les plus belles créations ont été faites pendant les crises économiques et sociales mais ce sont les héritiers qui en profitent !

 

Propos recueillis par Céline

 

Pour suivre le travail de Nikita Fedrov :

Site : thecontrast.fr
Instagram : nikitafedrov

 

 

 

©Nikita Fedrov

 

©Nikita Fedrov

 

©Nikita Fedrov


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Revue Bancal - Auteur

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