Artistes confinés #10 // Alicia Dassonville, illustratrice
05/05/2020
Nous avons interrogé plusieurs artistes pour comprendre ce que le confinement changeait à la pratique de leur art. Comment l’obligation de rester enfermé.e impacte-elle leur créativité ? Quelles sont les conséquences pratiques et matérielles du confinement sur leur organisation, leur situation ? Bref, comment continuer à être un ou une artiste en temps de confinement !
Graphiste-illustratrice de formation, Alicia Dassonville est née à Lille et vit aujourd’hui à Paris. Alicia a travaillé dans l’édition et la presse jeunesse (Bayard Presse, Albin Michel Jeunesse, Hachette Livre, Fleurus Presse et Auzou). En 2017, elle illustre son premier album jeunesse, Tom est timide paru aux éditions Auzou. Nourrie par ses voyages, expériences et rencontres, elle porte un regard tendre, positif et coloré sur le monde.
Dans quels états émotionnels te plonge le confinement ?
Ça a été très bouleversant au début ; je fais partie de ces personnes qui était un peu dans le déni de la situation. Quand le confinement est arrivé, j’ai pris une claque et j’ai mis plusieurs jours à sortir de cette torpeur. Maintenant, c’est plus apaisé ; j’ai la chance d’être confinée dans une maison avec un jardin, je me sais privilégiée en ce moment.
Ces émotions sont-elles favorables à ta créativité ou au contraire t’inhibent-elles ?
Les premiers jours, j’ai été incapable de créer quoi que ce soit, ma créativité était au point mort, je me mettais une pression de dingue pour me rendre utile et mettre à profit cette période. Je me rends compte aujourd’hui que je n’étais pas en état d’être productive, je devais d’abord prendre le temps de me poser et de calmer mon angoisse pour retrouver ma créativité. Au bout de quelques jours, j’ai finalement écrit un texte que j’ai posté sur les réseaux sociaux dans lequel je partage et j’extériorise ce que je ressens. A partir de là, la machine créative était relancée.
L’obligation de rester chez toi te rend-elle plus prolifique ? Au contraire, l’enfermement et l’isolement t’empêchent-ils de pratiquer ton art ?
Etrangement, je ne vois pas une immense différence, même confinée, j’ai l’impression de manquer de temps pour mener à bien tous mes projets. Je suis chez mes parents avec ma sœur, et mine de rien, la vie de famille prend beaucoup de temps ! J’étais plus indépendante avant, le temps que je ne prends plus pour les sorties et loisirs divers, je le passe maintenant en famille.
Quelles solutions, quelles nouvelles habitudes as-tu déjà mises en place dans ton activité artistique ?
J’ai très vite mis en place une routine en postant une illustration de fenêtre par jour sur Facebook et Instagram, pour m’imposer un rythme, mais surtout parce que j’avais envie de créer un rendez-vous avec les gens, apporter une note de fraîcheur au milieu de cette situation anxiogène. Mes images sont volontairement douces et positives, je souhaitais célébrer la vie qui continue derrière nos fenêtres.
Le contexte sanitaire et la situation de confinement t’inspirent-ils, influencent-ils déjà ta production artistique ?
Ressens-tu le besoin ou l’envie de t’exprimer à travers ton art sur l’épidémie et la situation ?
Cette situation a évidement questionné le sens et l’utilité de mon travail, comment donner de la légitimité à une activité d’illustratrice quand des millions de personnes ont besoin d’être soignés, nourris, protégés ? C’est une question que je me posais déjà avant mais qui a ressurgi avec la crise du covid19. Mes dessins ne sont pas subversifs, mais j’y glisse quelques messages qui me tiennent à cœur. J’ai dernièrement profité d’une fenêtre pour exprimer mon soutien aux soignants et dénoncer leurs conditions de travail que je juge déplorables.
Je suis aussi sensible à la cause des sans-abris, quoi de plus risible que de vivre un confinement imposé quand on n’a pas de chez soi. Là aussi, j’ai voulu apporter ma contribution, j’ai assemblé toutes mes petites fenêtres pour en faire un poster décoratif, il est aujourd’hui en vente sur ma boutique Etsy, une partie des bénéfices ira à une association de ma région qui oeuvre pour les sans-abris.
Crains-tu pour ta situation financière et plus généralement pour ton activité artistique après le confinement ?
Honnêtement, je suis incapable de me projeter après le confinement. J’imagine bien qu’il y aura des répercussions, mon nombre de commandes a déjà chuté, mais j’ai un côté assez carpe diem. Un jour à la fois et tout ira bien !
Propos recueillis par Céline
Pour suivre le travail d’Alicia Dassonville
Instagram : @alicia.dassonville
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