RENCONTRES TRANSVERSALES // Car si j’ai peur

En mai dernier, La Loge avait accueilli DÉRIVE – ÉPISODE 1 : TU PEUX, première partie d’un triptyque  pour adolescents créé par la Compagnie Nagananda et basé sur les mythes antiques. Cette saison, la compagnie est revenue présenter le deuxième épisode, DÉRIVE – ÉPISODE 2 : CAR SI J’AI PEUR. Son auteure, Cécile Fraisse-Bareille, se propose de réinvestir le genre de la tragédie grecque afin de le poser comme outil réflexif de la barbarie d’aujourd’hui. Le triptyque est pensé en forme d’entonnoir qui se resserre autour de Médée, figure centrale de l’épisode finale, DÉRIVE : ÉPISODE 3 : AUDACES FORTUNA JUVAT* (*La fortune sourit aux audacieux).

En mai dernier, La Loge avait accueilli DÉRIVE – ÉPISODE 1 : TU PEUX, première partie d’un triptyque  pour adolescents créé par la Compagnie Nagananda et basé sur les mythes antiques. Cette saison, la compagnie est revenue présenter le deuxième épisode, DÉRIVE – ÉPISODE 2 : CAR SI J’AI PEUR. Son auteure, Cécile Fraisse-Bareille, se propose de réinvestir le genre de la tragédie grecque afin de le poser comme outil réflexif de la barbarie d’aujourd’hui. Le triptyque est pensé en forme d’entonnoir qui se resserre autour de Médée, figure centrale de l’épisode finale, DÉRIVE : ÉPISODE 3 : AUDACES FORTUNA JUVAT* (*La fortune sourit aux audacieux).

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Si le premier épisode était centré sur Antigone comme figure de la résistance, le deuxième met en jeu les Troyennes – Cassandre, Andromaque et Hélène – captives, butin de guerre des Grecs, vainqueurs de la Guerre de Troie. La thématique abordée est celle du choix, subi ou réel. Pour cet épisode, la salle de La Loge a été réagencée en bi-frontale. Au centre, un couloir recouvert de vermiculite  (symbole du sable et des ruines de Troie ?) balise l’espace de jeu. Trois actrices – Marine Duséhu, Perrine Guffroy & Cécile Métrich – y rejouent les mythes de la Guerre de Troie et des Troyennes, et les mettent en lien avec petites et grande histoires, le tout sous l’œil de l’auteure-metteure en scène du spectacle – Cécile Fraisse-Bareille – également présente sur le plateau.

Le caractère éducatif de l’œuvre apparaît très clairement, spécialement au moment de la narration la Guerre de Troie, résumée en  seulement 7 minutes ! Ce tour de force permet de replacer la trame de cette épopée. Les choix de mise en scène modernisants font également état d’une volonté de vulgarisation : les Grecs –  Ménélas, Agamemnon et Achille – incarnés par les trois actrices sont habillés de treillis, coiffés de lampes frontales, et communiquent par talkies walkies selon un registre martial très actuel et parfois humoristique. Si certains d’entre nous ont apprécié ce rappel des faits et son aspect ludique, d’autres ont souffert de cette approche n’apportant pas de valeur ajoutée au faits rapportés, alors même que l’Illiade est un monument de la littérature éminemment complexe et symbolique. Nous sommes avec ce passage dans un premier degré de réception dédramatisant dont le but est de recontextualiser ce qui va suivre, véritable sujet de la pièce : le sort des Troyennes.  Au départ également très didactique, il semble mettre en perspective les différents niveaux de narration contenus dans le spectacle. À savoir :

– Une ouverture et une clôture pendant lesquelles les trois interprètes et l’auteure-metteure en scène racontent des souvenirs intimes.

– Le récit mythologique.

– Des faits violents qui nous sont proches : l’enlèvement des lycéennes par Boko Haram le 14 avril 2014.

Le lien qui semble ici se faire jour est un rapport au destin de la femme, sur le mode tragique.  Toutefois, il n’apparaît pas clairement. Un début de réponse est apporté alors que Perrine Guffroy – passant du rôle d’Agamemnon au rôle de Cassandre – entame une prédiction qui retracera 3000 ans de guerres et de barbarie, de la Guerre de Troie à l’enlèvement des lycéennes par Boko Haram. La violence de ce rapprochement sans développement ni explication du sens d’une telle démarche nous a rendu perplexe et a constitué le questionnement le plus important de la rencontre. Cécile a alors précisé que sa démarche n’était pas à proprement parler militante mais la démarche d’une femme qui s’interroge sur la femme. « Interroger » est le mot clé : le but n’est pas d’apporter une réponse mais de poser sur le plateau ce qu’elle ne peut saisir, concevoir, et de le mettre en perspective par le biais du tragique. Sa présence sur scène (en plus de son rôle d’auteure et de metteure en scène) illustre cette quête – ce work in progress.

Cette démarche d’écriture, propre à l’autofiction, construite sur un aller-retour entre l’histoire personnelle de l’auteur et son sujet, permet d’ouvrir un espace introspectif chez le spectateur. Dans la forme ici proposée, les liens de résonance entre nos histoires intimes, les guerres contemporaines et le mythe tragique sont esquissés mais gagneraient sans doute à être approfondis pour élargir l’espace de questionnement propre à chaque spectateur.

Cette forme met en lumière les tensions inhérentes à toute œuvre qui poursuit une visée pédagogique tout en cherchant l’affirmation d’un point de vue, c’est à dire d’une subjectivité.

La joyeuse équipe des Rencontres Transversales

 

DÉRIVE – ÉPISODE 2 : CAR SI J’AI PEUR Cie Nagananda
D’après les textes d’Euripide, Sénèque et Christa Wolf
Écrit et mis en scène par Cécile Fraisse-Bareille
En collaboration artistique avec Perrine Guffroy
Avec Marine Duséhu, Perrine Guffroy et Hillary Keegin

 

 


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Charlotte PALMA - Auteur

Description de Charlotte

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